Aaron Sorkin, scénariste et showrunner génial, se place derrière la caméra pour filmer l’histoire vraie de Molly Bloom. A la fois à l’écriture et à la réalisation, Sorkin fait ce qu’il sait faire le mieux : un film très dialogué, au montage ultra serré et filmé pied au plancher. « Le grand jeu » dure près de 2h20, et malgré tous les efforts du réalisateur, c’est trop long pour plusieurs raisons. D’abord parce que même simplifié et filmé avec la dose de distance et d’humour qu’il faut, il n’est pas facile d’abord de comprendre tous les aspects de l’histoire de Molly quand on n’est pas ni spécialiste en poker, ni très versée dans les méandres du système pénal américain. Et puis, même si Jessica Chastain ne ménage pas sa peine, Molly n’est jamais franchement sympathique au spectateur. Les valeurs américaines et le culte de l’argent étant des choses qui s’exportent mal, surtout en France, les aventures de Molly, même si elles ne sont pas sans intérêts, nous paraissent quand même un peu étranges. Il n’y a pas de temps morts dans le film de Sorkin, et la petite dose d’humour qu’il insuffle fonctionne, mais « Le Grand Jeu » n’en finit pas de finir. La musique est assez passe-partout, c’est filmé avec intelligence et le montage est malin avec un double système de flash backs. Le film est ancré dans le présent où Molly tente d’organiser sa défense avec son avocat et toute son histoire et racontée sous forme de flash back, soit à l’époque du ski, soit après, avec dans les deux cas une voix off omniprésente. Parfois, la voix-off c’est pénible et envahissant mais ici, elle aide à fluidifier le récit et surtout apporte ce qu’il faut en explications sur son parcours, notamment en terme de poker et en terme juridiques. Sorkin ose des choses qui parfois fonctionnent (la métaphore sportive à la toute fin, notamment la toute dernière image) et parfois moins (l’explication psychanalytique sur la supposée absence d’amour paternel), mais globalement, il rend un copie propre en tant que réalisateur (la scène de l’accident de ski est parfaitement rendue), on lui reprochera juste de ne pas avoir élagué son propos un petit peu et faisant un petit peu trop long. C’est un film très dialogué, avec des notions complexes sur le poker, sur la loi, le système pénal et les subtilités des affaires et je serais bien orgueilleuse de prétendre avoir tout compris de bout en bout, surtout vu en VOST ! Mais j’ai compris l’essentiel, je crois, de l’histoire de Molly, cette jeune femme compétitrice, intelligente, qui pense pouvoir faire son business en surfant sur la ligne de crête de la morale et de la loi (un peu comme quand elle faisait du ski acrobatique) mais qui se retrouve, malgré tout, au creux d’un piège qui se referme inexorablement sur elle. Elle comptant sur la prudence et son intelligence pour rester à flot mais elle a sous-estimé le monde dans lequel elle évolue, où les branches de sapins sont légions. Adaptant une histoire vraie, Sorkin s’exonère des facto des critiques sur la crédibilité de son scénario et le curieux coup de théâtre judiciaire de la fin, qui laisse quand même une impression un peu curieuse. Le scénario du « Grand Jeu » aurait mérité parfois un peu plus de clarté, si Sorkin avait mis un peu moins d’esbroufe dans ses dialogues et un peu plus substance au fond de son histoire, je n’aurais peut-être pas trouvé le temps si long. Le casting se compose essentiellement de Jessica Chastain, qui est de toutes les scènes, qui ne quitte même quasiment jamais l’écran. Elle compose une Molly Bloom qui fait penser au personnage qu’elle incarnait dans le mésestimé « Miss Sloane », une femme forte, ambitieuse qui cache ses failles. Elle semble familière de ce genre de rôle qu’elle tient à merveille, lui apportant la dose de glamour nécessaire et même davantage (surtout qu’ici, on lui a réservé une garde-robe d’une vulgarité à peine croyable !). Idriss Elba quant à lui campe un avocat intègre, qui a fort à faire à défendre une femme arc-boutée sur des principes qui vont à l’encontre de ses propres intérêts. Il est très juste, et dans la seule scène où sa cliente lui laisse enfin un peu de temps de parole, pendant l’interrogatoire du FBI, il est parfait. C’est ça les bons acteurs, pas besoin de plus d’une scène pour « faire le job » ! En résumé, « Le Grand Jeu » est un film américain, très américain même, trop américain peut-être, qui ne passionnera pas tout le monde, loin de là. C’est au final un film exigeant, qui nécessite qu’on s’accroche pour aller au bout, qui manipule des notions qui ne sous sont pas familières et qui parfois, nous semblent presque « exotiques ». Il a plein de qualités, son casting et le style de son réalisateur-scénariste en tête mais souffre d’un sujet ardu et d’une durée un peu trop longue pour passionner vraiment.