C’est la presque vraie vie de Molly, ou les vertus d’aller d’échec en échec (dirait Churchill –cité dans le film). A Circé la magicienne, Molly se compare: mais en fait non, les très exclusifs clients de ses tables de poker ont déjà les sens corrompus par le plaisir du jeu, de l’argent et du pouvoir; elle n’est là que pour les servir, et se servir au passage. Personnage rare et ambigu que cette Molly, une trajectoire de vie rare et ambigüe, un quotient intellectuel et physique rare et ambigu, des choix rares et ambigus. Brillante mais du côté obscur? C’est film original et difficile. Le paysage du film est donc constitué de quelques planètes bien à part: la mafia, l’art, les stars, etc, qui s’adonnent au jeu de poker, au jeu d’argent. Et au jeu de pouvoir finalement. Ces planètes ont leurs nababs, et Molly est leur nababesse quand il se retrouvent chez elle pour jouer. Mais même si le film parle beaucoup de poker, son centre reste la vie de Molly: son ascension et sa chute, ou plutôt ses ascensions et ses chutes, puisqu’elle va d’échec en réussite et vice-versa; sa vie qui a pris racine dans l’enfance et qui croise en route des personnages miroirs –comme tout le monde (on s’y retrouve éventuellement). A côté de ces planètes, se trouve l’astre de la justice: c’est un autre aspect du film, qu’on ne quitte pas, et qui constitue en quelque sorte son troisième intérêt (après Molly et le poker). On entre dans le système judiciaire américain, qui est inextricable comme tous ces systèmes d’ailleurs (on a toujours l’impression qu’on ne va pas en sortir vivant) –là, c’est également palpitant, et la fin est si incroyable qu’on se demande si c’est vrai. Évidemment, pour réaliser cela, il fallait être un orfèvre, et un orfèvre sacrément courageux, pour visiter ces mondes compliqués: il s’agit d’Aaron Sorkin (il a déjà raconté ‘The Social Network’, ‘Steve Jobs’). Beaucoup de flashbacks. Ça cause beaucoup (et à la fin on réalisera si Sorkin bluffait ou non!). Mais Jessica Chastain le sert merveilleusement avec ses longs monologues, ses longs silences, ses airs de Circé malgré tout; et l’avocat Idriss Elba aussi. Ces deux personnages n’ont d’ailleurs aucun mal à reprendre leur souffle, à la différence du spectateur moyen –forcément, c’est tout sauf simple cette histoire, ce n’est pas un film léger, et il faut garder toute son attention sans relâche pendant 2h20. Mais c’est tellement bon.