En tant que scénariste Aaron Sorkin n’a plus vraiment de choses à prouver (Le Stratège, Des hommes d’honneur, The Social Network, A la Maison Blanche). Peu étonnant de le voir aujourd’hui passer derrière la caméra pour son premier long métrage, Le Grand Jeu. Et comme attendu, la première force du film s’étend sur l’intégralité d’un scénario brillamment structuré (la principale force des scripts ciné de Sorkin) comme dans l’immédiateté des dialogues, délivrés ici avec force et justesse où les respirations sont assez rares. Cela va vite mais pas n’importe où. Tout est calibré, les informations sont toutes essentielles, et la véracité de cette histoire adaptée (tirée du livre de Molly Bloom) s’en ressent immédiatement.
Mais si les bons scénarios font souvent de bons films (l’inverse, moins), il fallait encore en réussir la mise en scène. Probablement bien aidé par l’expérience des réalisateurs qui ont su mettre en scène ses scénarios, Aaron Sorkin semble avoir pleinement compris ce qui fait la réussite d’un film. Autant dans sa mise en scène, dans son découpage, que dans sa direction d’acteurs, tout sonne juste et vrai. Le rythme est très soutenu et porte le spectateur dans une sorte de course à la vérité, où les notions de thriller psychologiques sont éminemment convoquées. A tel point qu’il faut s’accrocher pour tout suivre (intéressantes séquences sur le saut à ski, captivante exposition d’une partie de poker avec les combinaisons possibles de plusieurs mains…). Toutes les séquences semblent à elles seules porter la marque des thrillers, là où mille questionnements viennent s’interposer entre passé et présent de la vie de Molly Bloom, où la vérité se situe vraiment (?).
Evidemment, malgré toutes ses qualités le film ne serait pas le même sans la présence de Jessica Chastain, magnétique et simple à la fois, de simple sportive à femme fatale, elle donne un élan féministe à ce « grand jeu » et fait croire aisément à son personnage. Elle est parfaite pour le rôle. Seul petit bémol, on ressent trop la même présence que la comédienne apportait, à la même hauteur, que celle déployée dans le récent Miss Sloane, à ce titre, il ne faudrait pas inscrire trop vite l’actrice dans ce genre de rôle pour éviter la répétition.
Le Grand Jeu est un film brillant, avant tout par son écriture (nominé aux Oscar cette année, meilleur scénario adapté) mais aussi par sa mise en scène et le charisme de sa comédienne principale. Pour adhérer à l’ensemble il faudra cependant accepter un déluge d’informations, délivrées à vitesse grand V, des dialogues qui fusent sans temps mort et une histoire un peu enjolivée (le milieu du poker est un peu trop dépeint de manière « sage »). Au-delà de tout ça, l’aspect bavard du film lui donne des airs de films d’action verbale où le spectateur curieux est directement pris au jeu sans jamais quitter la table. Passé la mise de départ, un peu élevée, le parcours de Molly Bloom reste fascinant pour se clore avec une tendre subtilité sur les névroses enfantines qui nous accompagnent parfois toute notre vie (excellente scène entre Kevin Costner et Jessica Chastain). Le Grand Jeu prend au final des airs de grand film.
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