« Downsizing » est un film qui prend un peu le spectateur en traitre. Si l’on en croit le pitch, la bande annonce et l’affiche, on pense se retrouver devant un pur film « d’Entertainment », plein d’humour, d’effets spéciaux et tout le tralala… Sauf que c’est mal connaitre Alexander Payne. Il propose ici plus une fable post moderne qu’un blockbuster à la « Chérie j’ai rétrécis les gosses » ! Il offre un film assez long (plus de 2h15), plutôt bien tenu, avec une musique assez présente mais agréable, sans temps mort et sans (trop de) fioritures. Tout n’est évidemment pas parfait, son film connait un petit trou d’air dans son dernier tiers, avec la partie « norvégienne » de l’intrigue, qui tire un peu en longueur et qui flirte avec la mièvrerie et la leçon de morale écolo baba-cool. Mais dans l’ensemble, et même si son travail de réalisateur n’est pas flamboyant ou super créatif, il tient son film, la séance passe bien malgré la durée, on sourit beaucoup, il y a des scènes quasi parodiques (comme celle avec Laura Dern et Neil Patrick Harris), et des scènes plus dures, quand Paul découvre l’envers du décor de sa jolie petite ville aseptisée. Le scénario va décevoir les amateurs de grosses comédies US car il est moins question dans « Downsizing » d’adaptation à la vie minuscule (avec ce qu’elle peut comporte de spectaculaire, et aussi de périlleux) que de quête de sens et difficulté à faire des choix de vie. C’est sur, c’est moins spectaculaire, ce n’est pas non plus très original comme thème de fond, mais c’est un questionnement universel qui nous touchera tous un jour ou l’autre : cette vie que nous vivons (peu importe notre taille ou notre cadre de vie) est-ce vraiment la vie que nous voulions vivre ? Paul, qui envisageait une vie d’aisance et d’oisiveté avec la femme qui aime, se retrouve seul, dans un monde plein de richesses mais qui ne donne pas plus de sens à sa vie que le monde des difficultés économiques qu’il vient de quitter. Sur ce point le film est clair et assez pertinent : le monde minuscule est « vendu » par ses promoteurs uniquement sur des arguments économiques (et un vague prétexte écolo pour se donner bonne conscience) mais ça ne suffit pas à remplir une existence.
C’est en faisant la connaissance d’une jeune vietnamienne handicapée, qui vit dans uns sorte de bidonville bien caché, qu’il comprend que, grand ou petit, la société produit toujours des pauvres. Le monde minuscule reproduit le monde normal, c’est inévitable et c’est ainsi que les sociétés humaines fonctionnent de puis la nuit des temps. Il s’étonne de le découvrir mais en tant que spectateur, on est moins surpris que lui.
Le parcours initiatique que Paul entreprend à partir de ce moment avec la jeune Ngoc Lan Tran n’est certes pas original et même un peu cousu de fil blanc, mais il a le mérite de contrebalancer le cynisme de la société qui l’entoure.
On a même à la clef le début d’une romance assez inattendue entre deux personnalités très différentes en apparence.
Le scénario fonctionne assez bien selon moi, si l’on excepte la partie norvégienne de la fin qui fait un peu trop dans le baba-cool et la leçon de morale écolo à la mode scandinave. La toute fin est plus équilibrée, ni « happy-end » ni « fin du monde », douce-amère comme je les aime, peut-être juste un tout petit peu trop brutale. On peut quand même déplorer que « Downsizing » offre surtout l’histoire d’un parcours individuel alors que Payne aurait pu élargir le champ en évoquant plus qu’il ne le fait les problèmes politiques ou sociétaux que la cohabitation entre deux société posent. Il effleure le sujet, avec le type dans le bar au début ou les infos télévisées que Paul regarde, mais ça ne va pas plus loin et c’est un peu dommage. Un petit mot que le casting pour finir, où Christoph Waltz (que j’adore) cabotine un max en truand serbe magouilleur et jouisseur (une vraie caricature !) et où Matt Damon tient le rang qui est le sien sans en faire des tonnes, au contraire. Mais toutes stars qu’elles sont, elles sont quasiment éclipsées par Hong Chau. Ce petit bout d’actrice trouve ici le rôle d’une femme hors du commun au charisme inattendu, au dynamisme contagieux, dotée d’un bon sens en acier trempé, elle est à la fois l’atout humour, l’atout charme et donne du corps au message de fond de « Downsizing ». Evidemment d’un point de vue marketing, c’est Matt Damon qui se retrouve seul sur l’affiche mais c’est bien le couple Damon - Chau qui le porte sur ses épaules, un couple si peu assorti en apparence, et au final si attachant. En résumé, Si « Downsizing » est un film qui prend un peu le spectateur à contrepied, c’est pour mieux l’interroger, un peu maladroitement parfois, sur des choses essentielles. Sans être un chef d’œuvre, « Downsizing » est un bon film, une bonne séance de cinéma plus subtile et intelligente qu’on ne l’aurait supposé de prime abord.