Une atmosphère toujours pesante dans ce village éloigné de tout. Il y a là des paysages superbes de montagnes aux vallées étroites souvent noyées dans la brume de leurs forêts tropicales. Tout se passera dans ce petit bourg d”une parfaite unité architecturale de l'ère maoïste. “Cette maison a bien 100 ans” dit la copine de RunWei. Pour une jeune fille de la ville, tatouée et aux ongles manucurés à la dernière mode, ce doit être sa manière de dire très vieux, plus vieux que la mère qu'elle n'a pas connue. Elle ne réalise pas que c'était moderne il n'y a pas si longtemps. L'oncle de RunWei, maire du village, lui trouve du travail au planning familial. Mais ce travail n'est semble-t-il pas tellement éloigné, en plus sordide, de celui de voyous citadins qu'il a sans doute déjà fait. Alors quand on va mal, on se tourne indifféremment vers un Mao déifié, un shaman traditionnel, ou un jeune pasteur protestant. Des chinois en pleine confusion, confus sur leur histoire, confus sur leur société, confus sur leurs croyances, et toujours soumis au pouvoir menaçant d'un Mao mort depuis 40 ans ou d'un pouvoir central lointain, quasiment abstrait: c'est le constat désabusé et infiniment triste que nous présente Zhao Dayong. Décidément, de nos jours, quand on est chinois, il n'y a que des billets perdants à la loterie et l'un des villageois ivre-mort peut bien tituber et hurler “je suis si seul”. Le propos est glaçant même si la forme du film de genre, mi-policier, mi-fantastique permet paradoxalement de le rendre plus léger et en tout cas jamais pontifiant. Il reste tout de même que la montagne est bien belle quand la brume l'envahit.