Il y a des moments où noter un film, ça n’a vraiment que peu de sens. Et, me concernant, c’est clairement le cas pour ce « Hardcore Henry ». Bah oui, parce que bon, au final, il ne va très loin ce film. Ce n’est qu’un gigantesque défouloir absurde intégralement filmé à la première personne à la façon d’un « Half-life » et c’est clair que, sur le long terme, ça montre vite ses limites… Mais bon, quand même… Moi j’avoue que les dix premières minutes, j’ai quand même carrément adhéré. Entre le générique à base moments de violence au ralenti très stylisés et cette introduction très « jeu-vidéo », à la fois dans le fond et dans la forme, j’ai trouvé l’expérience filmique vachement sympa. Ça a le mérite d’annoncer la couleur rapidement : non ça ne va pas réfléchir ; oui ça va défourailler tout du long dans une logique d’une jouissance primaire. En gros, moi je voyais une sorte de trip à la « Krank » et, franchement, ça m’allait totalement, surtout que formellement, je trouvais que le dispositif formel fonctionnait très bien. L’air de rien ça pourrait vite être fouillis ou illisible ce genre de réalisation, et là j’ai trouvé ça d’une lisibilité exemplaire. Certes, des fois ça s’agite, mais c’est toujours fait de manière très sporadique et très sensée. L’agitation du cadre est souvent la conséquence d’un choc, d’une chute, etc… Mais la désorientation est tout de suite compensée derrière par un recadrage qui repose très rapidement les repères spatiaux. Bref, tout semblait là prêt pour me faire passer un bon moment… Et puis, au bout de dix minutes est arrivé le personnage d’Akan. Ce fut mon premier petit deuil. A ce moment là, je me suis dit : « OK, ça sera bien filmé et déjanté, mais ce sera bas de plafond, mal écrit et pas très subtil… » Et c’est au fond un peu ça le souci. Autant le film parvient à renouveler son visuel assez régulièrement, offrant un vrai plaisir à admirer la performance technique (
…jusqu’au trip final sur l’œil arraché… Quand même ! Fallait oser !
), autant le film manque de subtilité dans son intrigue pour que ma jouissance suive. Et attention ! Qquand je parle de subtilité je ne parle de trucs sérieux, posés, complexes… Non, je pense plutôt à un truc à la « Krank » justement. Moi ce que j’ai aimé dans ce film, c’est qu’il part progressivement dans un délire un peu débile mais bon enfant, et qui surtout sait partir dans toutes les directions. Là, « Hardcore Henry », c’est toujours plus ou moins la même ficelle. C’est toujours du « Hey vous avez vu comment il vient de mourir cradement celui-là ? » Or, ça, ça peut marcher sur moi si et seulement si y’a d’autres types d’humours régressifs autour. Et là ce n’est pas le cas. Or, je pense que c’est la grosse erreur commise par le film. On sent l’air de rien qu’Ilya Naishuller a vraiment été très vigilant quant au rendu visuel de son film ; sur la non-répétitivité de ses scènes ; sur son rythme. Et franchement, sur ces trois points, je trouve que c’est mission accomplie. Seulement, à trop vouloir suivre la trame d’un jeu-vidéo en first person shooter, il lui a échappé que ce qui passe scénaristiquement dans un jeu vidéo ne passe pas forcément au cinéma. C’est vrai, parfois, un bon FPS peut se contenter d’une atmosphère, d’un rythme et de quelques moments d’intrigue pas très élaborés. Mais à côté de ça, on est en train de jouer. On n’est pas passif. On progresse dans le jeu en progressant dans notre maitrise du gameplay. Là, face à un film, on n’est pas actif. Quand Henry perfectionne ses techniques, c’est lui qui les perfectionne, pas nous. Nous, nous ne sommes que spectateurs, et ne pas nous solliciter sur autre chose que sur la performance technique, eh bah ça fait vite léger. S’il y avait eu une entrée progressive dans un univers de plus en plus barré, il aurait été possible de s’immerger via ce procédé là. Mais là, à rester avec le pauvre Akan et son intrigue famélique, eh bah ce n’est pas foufou, c’est juste beauf. Bref, tout ça pour dire que, c’est dommage, mais ce « Hardcore Henry » ne saura pas faire le taf que « Krank » et « Krank 2 » avaient su faire par le passé… Mais bon… Ce n’est pas parce que je me suis fait chier sur la longue que pour autant je regrette ce « Hardcore Henry ». Et c’est là justement que je trouve que ma note n’a que peu de sens. Parce que oui, en fin de compte, j’ai quand même apprécié l’expérience. Certes, je ne l’ai apprécié que dix ou vingt minutes, mais je trouve qu’elle a eu le mérite d’exister. Ainsi ai-je une réelle sympathie pour ce film, malgré tous les défauts que j’ai pu lui trouver. D’ailleurs, franchement, si l’occasion vous est donnée, et si les expériences en cinéma vous intéressent, je vous invite vraiment à vous risquer au visionnage de ce film. Même s’il a les limites que je vous ai listé, c’est quand même un sacré moment à passer ! Donc à vous de voir…