(Cette analyse peut contenir des spoilers en un certain sens
Là où Nicolas Winding Refn maîtrise son sujet, comme c'était déjà le cas dans Only God Forgives, c'est dans cette plastique des mythes, grâce à une palette de couleurs et de mouvements qui expriment tantôt la crainte et l'impuissance, tantôt le désir et la jouissance. Ses personnages sont constamment pris dans ces processus, balancés d'un pôle à l'autre, à l'image de Jesse, à la fois maîtresse et victime de ses propres variations, ou encore Ruby et sa petite armée de mannequins affamées, consumées par un désir que Refn grossit matériellement jusqu'au bout de sa logique.
Pas vraiment un film de genre, plutôt un genre de film riche en références aux films d'horreur, de zombies et surtout de vampires étant donné l'importance des jeux de miroirs, et de la filiation omniprésente entre la mort, l'incorporation (à certains égards la "digestion") et l'amour inconditionné de la chair.
Cependant, on pourrait presque regretter que Refn n'ait pas offert à ses personnages un traitement plus humain, plus profond : ici, le message est clair, le spectateur voit se pavaner des fantômes, des "morts-vivants" qui se nourrissent de beauté ("beauty isn't everything, it's the only thing"). Par conséquent, The Neon Demon offre quelque chose de dérangeant, proche du sublime mais sans jamais l'atteindre, car en ayant voulu faire transparaître une forme de vérité à travers son film, Refn a oublié de nous tromper, de provoquer l'empathie, de donner à ses personnages une fausse profondeur, ce qui aurait certainement pu être, une fois venu le temps de faire tomber le masque des apparences, le vecteur d'une émotion cinématographique plus authentique.