Nicolas Winding Refn n'est pas un réalisateur qui me parle. Car oui, si j'avais vraiment aimé "Bronson" et apprécié sa trilogie "Pusher", ses autres longs-métrages ne m'ont pas conquis. Toutefois, je voulais vraiment voir "The Neon Demon" car la bande annonce était plus qu'attirante, l'affiche superbe et le parti pris du cinéaste est intéressant à suivre. De plus, les critiques étaient principalement très bonnes.
En effet, "The Neon Demon" est bon. Mais de là à dire que ce film est un chef d'œuvre ? Personnellement je ne pense pas totalement. Je ne peux nier les indéniables qualités de cette œuvre onirique et choquante, mais le rythme très lent et lancinant n'a fait qu'atténuer mon orgasme cinématographique. Je suis assez dubitatif face à ce film. Il m'a laissé circonspect à la sortie de la salle.
Tout d'abord, Nicolas Winding Refn est un esthète. Sa mise en scène est d'une recherche rare, et ses symboles retranscrits à l'écran d'une grande ingéniosité. La vie et la mort, le Soleil et la Lune (avec l'œil), la pureté et la perversion : de nombreuses symboliques avec des contrastes nets sont traités dans "The Neon Demon" avec subtilité et une certaine idée dans la structure narrative. Nicolas Winding Refn est un cinéaste d'image ; sa réalisation est des plus sublimes : ses cadrages symétriques et mouvements de caméra sont purement sensitifs pour ma part. La photographie puise son inspiration chez Dario Argento ("Suspiria"), et le résultat est somptueux et envoutant. Formellement le travail de NWR est ahurissant.
Ensuite, le casting est vraiment convaincant. Elle Fanning ("Maléfique") est parfaite dans son rôle, en plus d'être magnifique. Son personnage a une réelle évolution tout au long du déroulement de l'histoire, aussi bien dans ses gestes que dans ses costumes. Lors de son premier défilé, on ressent la perversion du monde de la mode qui s'empare d'elle. Les maquillages sont quant à eux très beaux sur son visage. Jena Malone ("Sucker Punch") est elle aussi faite pour interpréter son personnage. Celui-ci est vraiment intéressant et offre des scènes marquantes. Christina Hendricks ("Dark Places"), Bella Heathcote ("Time Out") et Abbey Lee ("Mad Max : Fury Road") sont quant à elles toutes aussi bonnes. Keanu Reeves ("Knock Knock") interprète un rôle qui le change, et qui est des plus expressifs, et Karl Glusman ("Love") se montre très convaincant en jeune photographe et copain de Jesse. Chaque illustration propose un développement psychologique particulièrement intéressant à suivre. Le parcours de Jesse est fascinant, malgré les lenteurs du récit. De plus, l'histoire sombre petit à petit dans l'onirisme, le fantastique, le thriller et l'horreur dramatique. NWR propose en effet un mélange des genres. La froideur de sa mise en scène inégalable dépeint une ambiance et une atmosphère hypnotisante et puissante (la BO de Cliff Martinez contribue à cette impression, quelques thèmes marquent comme *The Demon dance*, ou la chanson de Sia qui contraste avec le cauchemar que subit Jesse). On ressort marqué par cette œuvre fantasmagorique, tout comme l'était dans un état différent "Only God Forgives". Si certaines séquences restent inexpliquées dans le film, l'ensemble des symboles forme différentes interprétations qui serait intéressant de travailler (celle sur les triangles qui ponctuent le film par exemple). Le monde de la mode que filme NWR pousse ses travers à son paroxysme, "The Neon Demon" est un film dur à regarder. NWR puise certes son inspiration chez D. Argento et S. Kubrick, mais aussi dans les contes et mythes vampiriques telle la référence à Erszébet Báthory.
Enfin, si le film n'explore aucune des inspirations fantastiques qu'il propose, "The Neon Demon" m'est apparu comme un conte détourné (des sorcières ou vampires, une princesse intouchable, un ogre et un prince charmant pour caricaturer les personnages). Avec le passage dans le monde adulte de Jesse, ses questions sur sa pureté, son changement quasiment tribal avec les incantations et autres évènements liés à la mode (Los Angeles est d'ailleurs parfaitement montrée comme la ville du vice), "The Neon Demon" est à la fois cet univers mis en scène et la protagoniste elle-même. Œuvre sur la Beauté et ses faux attraits artificiels, "The Neon Demon" est difficile à juger tant ses propos et partis pris sont intéressants mais tant aussi sa structure alambiquée narrative est déstabilisante.
Choquant voire éprouvant, tout en étant beau, "The Neon Demon" ne mérite pas ses critiques acerbes du Festival de Cannes. Une œuvre que l'on ne peut ressentir qu'émotionnellement (subjectivement donc), et qui prouve que NWR, cinéaste égocentrique, est quand même un grand metteur en scène.