Ixcanul est le mot maya qui signifie « volcan ». C’est d’ailleurs ce volcan que l’on voit en arrière plan sur l’affiche du film : deux femmes nous font face, l’une plus âgée en retrait porte des vêtements dont la couleur se détache à peine de celle du sol, tandis que l’autre en avant (et par conséquent plus grande), plus jeune, est vêtue d’une couleur rouge qui tranche sur le fond de l’image. Ainsi le volcan assume la double valeur de l'écran : il valorise la femme la plus jeune et fait obstacle au regard puisqu’il masque l’au-delà de l’image.
A la semblance de cette affiche, le film inscrit un hors champ évoqué dans le discours du jeune « séducteur » autant peut être que dans les images de la fin du film qui se déroule dans un milieu urbain en complète rupture avec le paysage des champs de café situés au pied du volcan. Car l’enjeu du film est bien dans cet affrontement entre deux mondes : celui des paysans mayas et celui d’un Guatémala « mondialisé ». Tous les oppose: la langue en premier lieu, l’environnement aussi, mais surtout les coutumes et les croyances. Si Jayro Bustamante prend le temps de filmer le monde rural (nous offrant par exemple en ouverture une scène d’anthologie où un cochon est incité à la reproduction en étant forcé d’ingurgiter de l’alcool) c’est parce qu’il n’est plus que l’ombre de lui-même. Ce qui pourrait être une survivance du chamanisme prend des allures dérisoires (scène de la tentative d’avortement, discours contradictoire de la mère sur les pouvoirs supposés de la femme enceinte) : le désir de quitter la terre devenue inhospitalière est le plus fort.
Aussi le point de vue adopté est-il celui des perdants de l’Histoire, ceux qui faute de maîtriser les codes (y compris langagiers) seront toujours les victimes d’un pouvoir situé en dehors de l’image.
Si l’histoire de la fille « engrossée » pouvait nous faire craindre le pire, le film parvient à déjouer nos attentes et à ménager des surprises dont celle de la fin n’est pas la moindre. Là où l’on pourrait ne voir qu’un film « ethnologique » de plus, le récit nous donne à penser un monde beaucoup plus universel qu’il n’y parait.