Avec Annihilation, son nouveau long-métrage injustement limité aux petits écrans (Netflix) en dehors de la Chine, des Etats-Unis et du Canada, Alex Garland s’offre un trip visuel majestueux et débridé pour une introspection sur la fragilité post-traumatique de l’esprit humain.
Pour se faire, il embarque un casting féminin 5 étoiles avec Natalie « Lena Ferben » Portman, secondée de Jennifer Jason-Leight et Tessa Thompson.
Suite à la chute d’une météorite sur un phare, tout un symbole, une barrière translucide qui s’apparente à une immense bulle de savon aux couleurs en perpétuelles mouvement sous les effets de la lumière apparaît sur notre vieille terre. Un problème et pas des moindres puisque celle-ci grossit quotidiennement (la bulle, pas la terre). Une expansion incontrôlable de mauvaise augure puisque toutes les équipes envoyées à l’intérieur n’en sont jamais revenues. Et lorsque le petit ami de Lena, faire valoir Oscar Isaac, disparu depuis 1 an, refait surface aussi déboussolé que malade, tout s’enchaîne très rapidement pour nous mettre sur les rails de cette histoire de science-fiction aux tenants et aux aboutissants à priori évidents.
Il est parti. Il est revenu. Que lui est-il arrivé ? Je veux savoir. Tiens des nouvelles copines aussi paumée que moi à leur façon. Allons-y !
Le casting d’Annihilation tient la route malgré des personnages assez lisses. Chacun aux prises avec ses démons intérieurs, seuls Natalie Portman et Oscar Isaac s’étoffent à mesure que l’on avance grâce principalement à des scènes de flash-back qui nous donnent le change quant aux problèmes auxquels ils font face. Chacun des autres personnages se verra juste effleuré par une discussion en barque emprunte d’une quiétude mal placée, surtout qu’elle survient après le premier moment de véritable tension face à l’inconnu.
Mais par ce biais, et nous en revenons au phare, l’image de cette « zone » extraterrestre hors de contrôle met en exergue une quête interne pour certains membres de cette expédition à la recherche d’une solution pour surmonter la difficulté de leur vie actuelle. La recherche de réponses pour guérir des esprits affaiblis par les mutations, qu’elles soient physiques, ou sentimentales.
Alex Garland lie étroitement les corps et les esprits avec plus de réussite pour le premier que pour le second. Est-ce la faute à ce rendu visuel sublime qui intrigue finalement bien plus que les doutes des personnages ?
Car, il est indéniable que la réussite de l’adaptation du livre de Jeff Vandermeer se trouve dans ce qui s’offre à nos yeux. L’idée d’un prisme reflétant tout ce qu’il contient sans aucune distinction est en soit intéressante. Bien sûr, on en revient au cancer et à la mutation des cellules qui traversent cette randonnée scientifique mais, on tient dans ce monde naissant et évoluant sur les bases d’une « maladie » qui s’étendra sur l’ensemble du globe, un juste milieu entre effroi et magnificence.
Quand la flore se fait grandiose, la faune devient redoutable. Les plantes et la nature donnent lieu à des paysages d’une beauté hypnotique. La fusion engendrée par le phénomène permet une mosaïque de couleurs où la nature se réapproprie l’espace avec flamboyance et, la symbolique y est évidente : avec l’homme hors du tableau, la terre, aidée par une puissance inconnue se transformerait en un monde magnifié, mais hostile à notre espèce, à l’image de cette fusion organique improbable au fond d’une piscine abandonnée , de ces plantes bipèdes, ou de ces affrontements horrifiques avec des animaux proches de créatures cauchemardesques.
Alors pourquoi un petit 6 après tant d’éloges ?
Parce que dans cet enchevêtrement d’idées, il manque quelque chose de véritablement prenant dans la trame du film pour lier tout ça, pour nous accrocher aux basques de ces aventurières. L’évidence des événements va, jusqu’au final, nous laisser un peu sur la touche. Simples contemplateurs, on aurait aimé être plus souvent captivé par la tension, par le danger que l’on devine omniprésent mais qui ne se ressent que face à ses manifestations physiques (bestiaires trop peu représenté et autres souvenirs abandonnés par les précédentes expéditions). Et, tout en tentant d’être original, le scénariste de Sunshine (qui m’avait à l’époque paru bien plus fin psychologue) va finir par se vautrer complètement dans une conclusion qui sent le réchauffé et que l'on devine à mi-parcours.
On saluera donc l’envie d’Alex Garland de sortir des conventions même si la réussite n’est que partielle et on regrette que le grand écran n’ait pas été possible pour un film qui a tant à offrir sur le plan visuel. La frustration du réalisateur est compréhensible et on regrette le choix des producteurs qui pointaient du doigt une œuvre trop « compliquée ». Sommes-nous si dénué d'interprétation ?
J’y ai pour ma part vu quelque chose d’ouvert, sous-traitant avec plus ou moins de brio des multiples aspects de notre condition face à l’inconnu, face à nous-mêmes, nos choix et notre mort.