La dernière fois que Michael Bay s'est attaqué à l'Histoire avec Pearl Harbor, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle a eu beaucoup de mal à s'en remettre. Alors le voir retenter l'expérience au sujet d'une récente et triste page de la diplomatie américaine en Lybie, cela n'allait pas sans causer de belles frayeurs. Nous parlons d'une attaque djihadiste contre le consulat états-unien, puis d'une enceinte voisine, convertie en forteresse de fortune, ayant conduit à la mort de 16 personnes parmi lesquelles l'ambassadeur U.S John Christopher Stevens. Le problème c'est que Bay est un cinéaste surtout réputé pour ses tropismes nationalistes et son amour démesuré pour les action-men dopés aux hormones qui n'aiment rien tant que vider leurs douilles en balançant des vannes bien grasses. Ajoutons le fait que transformer une déroute réelle en victoire fictionnelle, le larron a déjà fait (Pearl Harbor, vous vous rappelez ?) alors la prudence restait de mise.
Et il y avait de quoi. Certes, Michael Bay n'est pas un BHL sous stéroïdes venu déshonorer un pays lors d'une excursion touristique. Il évoque plus le commandant Sylvestre des Guignols de l'Info armé d'une caméra au lieu de sa mitraillette. Sa conscience des enjeux géopolitiques se limite à une vision terriblement binaire de type gentils/méchants, soldats vaillants/diplomates ignorants. Nulle caricature ici, les parlementaires sont littéralement montrés comme des incapables tandis que les soldats ont tout compris parce qu'ils ont du matos (des burnes et de grosses prétoires). "Ton pays doit trouver une solution" assène l'un des surhommes de l'Oncle Sam à un allié Lybien. Bay a-t-il au moins été briefé sur le "Printemps arabe" ou l'hérésie de l'intervention militaire de l'Occident ? Même si le film n'essaie jamais de comprendre l'origine ou les leviers de la situation, il est regrettable de voir qu'il se contrefiche du contexte et du pays où l'action a lieu, au delà de réflexions au ras des pâquerettes. Triste à dire mais le plus pertinent apport de 13 Hours à ce niveau c'est le résumé Fox News au tout début. C'est dire le niveau.
Soyons clairs, le film est trois ou quatre coudées en dessous de la virtuosité d'un Ridley Scott sur La Chute du Faucon noir. Les 144 minutes ont de grosses lacunes en ce qui concerne la spatialisation des séquences ou même le montage, qui tendent à en rendre beaucoup grossières ou peu claires. L'autre souci concerne l'absence criante de construction narrative solide, puisque certains moments qui devraient être des points de surprises ou rebondissements (comme par exemple lors d'une attaque) sont tués dans l'œuf par cet appétit insatiable d'assembler à la truelle multitude de plans sans liens entre eux. Par contre, il faut noter un petit effort sur les séquences les plus spectaculaires, qui sont déchiffrables et quelquefois tonitruantes. Certains passages flattent même la rétine et l'alliage sonore est de toute beauté. J'ai même été surpris d'apprécier quelques scènes d'échange entre John Krasinski et James Badge Dale (tous deux charismatiques), quand le montage se fait moins frénétique. La teneur des dialogues n'a pas grand intérêt, jamais loin de la soupe chrétienne, mais les comédiens arrivent à les incarner. Ça ne rattrape pas les clichés bien virilistes ou l'humour à deux balles, mais ça permet d'offrir quelques menues aérations. Il faut également souligner que le personnage féminin n'est pas ici employé comme pin-up pour faire baver l'ado en pleine crise d'acné. Cela dit, comme elle se trouve du côté de ceux qui causent plutôt que ceux qui flinguent, le récit et Bay n'en ont rien à faire. En soi, on peut quand même dire que c'est un progrès.
Comme vous l'avez constaté, les qualités de 13 Hours se mesurent surtout par rapport aux bêtises que son réalisateur aura cette fois-ci évité. Hélas, ça ne permettra pas d'arriver à un seuil qualitatif suffisant, on échappe cependant au tréfonds du vulgaire ou à l'incompétence quasi-intégrale. Ça fait bim, ça fait bam et ça fait boum, mais ça se regarde sans trop de mal. Il faut pas être trop difficile avec Michael Bay, il lui en faut peu pour tout faire sauter.