La vengeance, c’est un ressort de cinéma efficace et très utilisé depuis que le cinéma est cinéma. C’est plus ou moins à la base de tous les westerns et c’est le point de départ de quasiment tous les films de Tarantino. Et d’une certaine manière « La colère d’un homme patient » est une forme de western moderne, un western ibérique à base de violence, de petites frappes et d’intimidations, c’est presque davantage un western qu’un polar, à bien y réfléchir. Ce qui frappe d’entrée dans le long métrage de Raul Averalo, c’est le parti pris du réalisateur de faire un film « brut de décoffrage », avec une image à la limite de l’image VHS, caméra à l’épaule, plan ultraserré sur les personnages et musique omniprésente. A base de percutions le plus souvent, elle souligne les effets, fait monter la tension pendant les scènes de pré-violence
(qui durent longtemps, surtout celle du tournevis).
Avarelo a voulu faire un film un peu « à l’ancienne ». Après un petit moment d’adaptation, on finit par s’y faire mais c’est vrai qu’à l’heure du numérique, on est un peu désemparé devant une image aussi « granuleuse » et une manière de filmer à la limite du documentaire parfois. C’est un parti-pris qui peut se défendre, le réalisateur ayant voulu forcer le trait d’une histoire abrupte et sans concession. Il y a quand même, dans « La colère d’un homme patient » une sorte de faux rythme, avec des scènes qui trainent en longueur un peu inexplicablement, avec quelques petits trous d’air par moment. Du coup, elle tire un tout petit peu en longueur, cette vengeance qui amène José et Curro à identifier, retrouver et liquider les braqueurs, plus ou moins repentis, plus ou moins rangés des voitures. Le casting m’est évidement presque inconnu, à la petite exception du rôle titre tenu par Antonio de la Torre, déjà vu dans l’excellent « La isla minima » en compagnie de Raul Averalo lui-même (mais en tant qu’acteur cette fois). Il n’y a rien à redire sur ce casting, même si j’accorde une mention un peu spéciale non pas à l’acteur qui incarne José mais plutôt à celui qui donne corps à Curro, Luis Callejo, que j’ai trouvé vraiment très juste et très bien. Quant au scénario, je dois avouer que pendant le tout premier quart d’heure il n’est pas très clair. On n’arrive pas bien à relier la première scène (le braquage) avec celles qui suivent. Tous cela se met en place, comme un puzzle, au bout d’une vingtaine de minutes et l’on comprend enfin où le film va nous emmener. Une fois le duo Curro-José constitué (un duo qui ressemble plus à une prise d’otage qu’autre chose), la violence s’installe dans le film, de manière assez crue d’ailleurs, au point de mettre un peu mal à l’aise. Comme je l’ai dit, ce qui met un peu mal à l’aise, c’est la longueur de la scène qui précède la scène de violence en elle-même, avec une musique qui devient de plus en plus forte, jusqu’à devenir presque assourdissante.
A l’exception de la scène du tournevis, les autres scènes de violence sont plus suggérées que montrées mais qu’importe, le malaise est quand même présent, surtout quand on tue un homme à quelques mètres de sa petite fille endormie.
Finalement, c’est le fond du film auquel il n’est pas facile d’adhérer. Même si on peut comprendre le chagrin, le désarroi et surtout la colère de José, cette vengeance qu’il exécute ne semble lui apporter aucun réconfort. Au contraire, il semble presque la subir, comme un devoir qu’il doit accomplir presque malgré lui. Il ne devrait se venger que du seul assassin de sa fiancée
mais comme il n’arrive pas à savoir lequel est passé à l’acte, il se sent « obligé » de tous les liquider, sans chercher à savoir si l’homme qui le supplie à quelque chose à lui apprendre, ou s’il mérite un gramme de rédemption.
José est devenu une machine, qui utilise les gens pour ce qui est devenu le seul but de sa vie. Le film se termine de façon ultra brutale, sans que l’on sache ce que José va devenir. Va-t-il se supprimer, reprendre sa vie (mais quelle vie ?), se faire arrêter ? Il se moque bien d’avoir laissé des témoins, des indices, des preuves derrière lui, il ne cherche pas à tuer avec discrétion, au contraire même, cette volonté de tuer au grand jour montre bien qu’il n’a aucune intention de se soustraire à son destin : mourir à son tour ou bien se faire arrêter. Peu lui importe puisque selon toute vraisemblance, il est mort depuis 8 ans. De ce point de vue, le scénario est efficace, il montre bien que cette épopée violente a été préparée pendant 8 ans par un homme aussi déterminé qu’il était sans espoir. Il n’y a pas beaucoup d’originalité dans cette histoire de vengeance, pas de rebondissement, pas tellement de profondeur psychologique (pas autant qu’on aurait pu l’espérer) juste une course violente vers nulle part. Je l’ai dit, « La colère d’un homme patient » relève davantage du western que du thriller ou du polar. D’ailleurs même son affiche fait penser plus à un western de Sergio Leone qu’à un thriller. C’est un peu frustrant d’ailleurs, cette volonté de faire un film un peu monolithique, là où il y aurait eu matière à construire une intrigue plus foisonnante, avec des personnages plus fouillé, et même des seconds rôles plus travaillés. « La colère d’un homme patient » est un film intéressant, avec du caractère, techniquement maitrisé mais sec comme un coup de fouet : pas sur, au bout du compte, qu’il contente les amateurs de polars.