Evidemment, avec une affiche placardée partout, estampillée en prime par un compliment fort comme quoi c’est le meilleur film espagnol de l’année, difficile de contourner le grand gagnant de le cérémonie des Goya 2017. Pourtant, on ne peut pas dire qu’en France, on donne de grandes chances à la première réalisation de Raúl Arévalo à bien figurer au box office en ne limitant sa diffusion que dans quelques salles. Qu’importe, l’affiche suscite la curiosité en se focalisant sur une main blessée qui tient un fusil de chasse, et suffit à attirer quand même un peu de monde dans les salles. Le début démarre fort, très fort, et gratifie le spectateur d’une course-poursuite comme s’il y était, placé sur la banquette arrière, avec une image ballotée dans tous les sens comme lui le serait s'il était vraiment présent dans la voiture. Mais là est le point de départ de toute cette histoire. Puis le réalisateur prend le temps de présenter les différents personnages (tous sauf un), sans toutefois rentrer dans les détails qui se seraient révélés inutiles. Pour ce faire, le choix s’est porté sur une répartition en 3 chapitres (le bar, la famille, puis la colère). Un peu comme Tarantino l’a eu fait par le passé. Cette façon de faire n’est pas forcément très judicieuse car elle a tendance à hacher le récit et à perdre le spectateur, tout du moins sur les deux premiers chapitres. Ceux-ci sont faits d’une accumulation de plusieurs séquences, lesquelles sont plutôt courtes, et le spectateur n’a pas vraiment le temps de se mettre en tête les faciès des personnages. Cependant c’est aussi une manière de préserver les mystères. Qui va être cet homme patient en colère ? Notre attention se focalise sur cet homme qui sort de prison. Mais on s’interroge aussi sur un autre homme, parce que sorti de nulle part. La mise en scène, la réalisation et le montage permettent de brouiller les pistes, et c’est en cela remarquable. Sur un sujet que le public a vu à maintes reprises, celui de la vengeance, "La colère d’un homme patient" est pourtant loin des grands standards américains ou français. Il faut avouer que d’avoir réussi à s’en démarquer est déjà en soi un vrai petit exploit. Le rythme est lent, mais ce n’est pas gênant pour la bonne et simple raison que c’est tourné de façon plus intimiste, quasiment sans aucun support musical. Pour le côté intimiste, le spectateur est placé aux côtés des différents personnages à des moments-clé, qu’on pourrait aussi considérer comme étant des éléments déclencheurs dans l’évolution de leur psychologie, aussi infime soit-elle. Ce côté intime est renforcé par le souci d’authenticité recherché et obtenu par le jeune réalisateur, grâce à la présence de quelques scènes tournées caméra à l’épaule, mais aussi grâce à une image plus ou moins sale, dotée d’un léger grain. Cela permet d’incorporer en prime une ambiance malsaine ou tout du moins lourde. Cette esthétique ne va pas forcément plaire à tout le monde, pas plus que la façon de mener l’intrigue, mais au moins ça change de ce que le spectateur français a l’habitude de voir. Pour autant, "La colère d’un homme patient" ne restera pas forcément inoubliable, du fait de son histoire finalement des plus banales, malgré une confrontation directe des plus intéressantes entre Curro (Luis Callejo) et José (Antonio de la Torre). C’est même poignant car le spectateur sent que ça peut basculer à tout moment d’une façon ou d’une autre. Dotés d’un énorme charisme, les deux acteurs portent le film sur les épaules en ayant une présence folle qui occulte presque tous les autres acteurs. Pourtant on ne peut pas dire que ni Ruth Diaz (dans le rôle d’Ana), ni Raul Jiménez (dans celui de Juanjo), ni Manolo Solo (dans la peau de Triana) déméritent. Au contraire, ils jouent le rôle de façon très crédible. La crédibilité, ou si vous préférez l’authenticité, constitue donc l’empreinte qui a été mise sur ce film. Et quelques heures après ce film, on peut se dire que ce genre d’histoire peut arriver à n’importe qui, n’importe où et n’importe quand, et c’est ce qui me fait donner un demi-point de plus à ma note. Car si on y réfléchit bien... en effet, personne n’est à l’abri. Bien que perfectible, une première œuvre donc très prometteuse !