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    Citoyen d'honneur
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    velocio
    velocio

    1 300 abonnés 3 134 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 8 mars 2017
    C'est dans une bourgade au milieu de la pampa argentine que nous plongent Mariano Cohn et Gastón Duprat, deux réalisateurs qui travaillent ensemble depuis 25 ans. "Citoyen d'honneur" raconte l’histoire d’un écrivain qui, après avoir obtenu le Prix Nobel de littérature, revient à Salas, afin d’y être fait citoyen d’honneur. Cette petite ville, il l'avait quittée 40 ans auparavant pour aller s’établir en Europe, et on peut se demander comment vont l’accueillir ses habitants alors que, dans tous ses romans, il a parlé d’eux dans des termes pas toujours amènes ?

    Quelques mois après "Les nouveaux sauvages", le cinéma argentin prouve de nouveau avec "Citoyen d’honneur" son aptitude à reprendre le flambeau de la comédie italienne des années 60-70, celle où brillaient Dino Risi, Mario Monicelli, Luigi Commencini et Ettore Scola, une comédie dans laquelle le cynisme le dispute à la tendresse, la mesquinerie à la générosité. Est-ce vraiment étonnant lorsqu’on sait que la moitié de la population argentine a une ascendance italienne ? A cette forme de comédie, à la fois cruelle et drôle, Mariano Cohn et Gastón Duprat ajoutent leur touche personnelle, en donnant de temps en temps à leur façon de filmer une forme à mi-chemin entre documentaire et reportage télévisé, l’exemple le plus frappant étant la scène du début, lorsque Daniel Mantovani reçoit le Prix Nobel.

    En plus de la grande qualité du scénario et de la mise en scène, "Citoyen d'honneur" doit beaucoup à la prestation d’Oscar Martinez, l’interprète du rôle de Daniel Mantovani, un comédien qu’on commence à bien connaître après ses prestations, toujours brillantes, dans "Les enfants sont partis", "Paulina" et "Les nouveaux sauvages". Ce n'est pas un hasard si Oscar Martinez s'est vu attribuer, pour sa performance dans "Citoyen d'honneur", la Coupe Volpi de la meilleure interprétation masculine à la dernière Mostra de Venise.

    Si elle n’est pas très importante en terme de quantité, la production cinématographique argentine l’est beaucoup plus en ce qui concerne la qualité. "Citoyen d’honneur" en apporte une preuve éclatante, film à la fois drôle, caustique et attachant. Quand on aime le cinéma, on perd rarement son temps lorsqu’on va visiter Buenos-Aires ou la pampa argentine.
    traversay1
    traversay1

    3 568 abonnés 4 860 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 13 mars 2017
    Bien qu'il soit argentin, Citoyen d'honneur ne partage que quelques points communs avec l'explosif Les nouveaux sauvages. Le goût de la satire et de l'humour noir, sans doute, mais le film de Cohn et Duprat n'est qu'en partie une comédie avec des éléments dramatiques et une réflexion fort intéressante sur les mécanismes de la création. Le film est entièrement vu à travers les yeux de son héros, écrivain qui vient de recevoir le Nobel, de retour dans son petit village de la pampa qu'il a quitté depuis ses 20 ans. De cynisme, il n'y a point dans cette vision certes cruelle mais aussi parfois tendre de la vie provinciale. L'écrivain lui-même est un individu peu sympathique, arrogant et manquant assez souvent d'humilité même s'il lui arrive d'être lucide par rapport à lui-même. Le film est finalement davantage axé sur la manière dont les romanciers se nourrissent sans aucun principe moral des personnes qu'ils rencontrent. Cette mise en abyme de la réalité et de la fiction se retrouve d'ailleurs dans un dénouement assez malin, comme un symbole d'un film loin d'être lisse et qui peut donner lieu à plusieurs interprétations. Son écriture a quelque chose de littéraire et il faut bien avouer que son aspect visuel est beaucoup moins léché. Cohn et Duprat ont un riche passé de documentariste et nul doute que filmer à la fçon du Dogme danois leur a semblé la meilleure option. A la réflexion, le choix n'est pas si mauvais. L'interprétation d'Oscar Martinez, qui lui a valu un prix à Venise, est absolument remarquable au milieu d'un casting d'où émergent un certain nombre de "trognes" invraisemblables. Cela ajoute à une dimension absurde, voire kafkaïenne, d'un récit où rien n'est prévisible et où le cauchemar n'est pas loin de prendre un aspect fantastique. Citoyen d'honneur n'a pas le même impact dévastateur de Les nouveaux sauvages mais c'est un film plutôt subtil derrière une apparente rugosité et à l'honneur de l'école cinématographique argentine.
    Yves G.
    Yves G.

    1 456 abonnés 3 486 critiques Suivre son activité

    3,5
    Publiée le 14 mars 2017
    L’écrivain Daniel Mantovani déprime depuis qu’il a reçu le Prix Nobel de littérature [C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je l’ai toujours refusé : la peur de la déprime]. Cloîtré dans sa luxueuse villa, il refuse toutes les sollicitations. Mais, sur un coup de tête, il s’envole pour Buenos Aires pour retourner dans son village natal, Salas, le cadre de chacun de ses romans où il n’est plus revenu depuis quarante ans.

    Qui n’a jamais rêvé de retourner pavoiser devant le caïd de la cour de récré dont il/elle était le souffre-douleur et de faire étalage de la réussite de sa vie professionnelle ou familiale ? « Citoyen d’honneur » repose sur une idée très simple dont sont tirées toutes les potentialités.

    La première, la moins exploitée, est celle de la nostalgie. Daniel Mantovani revient sur les lieux de son enfance. Il n’en retrouve quasiment aucune trace, si ce n’est un cimetière envahi par les herbes folles, une institutrice clouée sur un fauteuil roulant. D’ailleurs le village de Salas, anonyme, sans charme, ne se prête guère à la nostalgie.

    La deuxième est celle de la drôlerie qui naît du décalage entre l’écrivain célèbre et la simplicité de ses hôtes. Mantovani est accueilli par des ploucs sympathiques. Son chauffeur, sous prétexte d’emprunter un raccourci crève au milieu de nulle part et l’oblige à passer la nuit à la belle étoile. Le maire de la ville le fait parader sur le camion des sapeurs pompiers. Chacune de ses déambulations dans le village est interrompu par un automobiliste trop pressant qui veut à tout prix le conduire dans son véhicule.

    La troisième, plus dérangeante, est la jalousie et le mépris que la célébrité de cet enfant du village suscite. Car si la bienveillance domine parmi les hôtes de Mantovani, des sentiments moins amicaux affleurent vite. Pour avoir refusé de donner à un concours de peinture le premier prix au peintre autoproclamé de la commune, Mantovani, accusé d’élitisme, s’attire l’hostilité d’une partie du village. Son pèlerinage se transforme bientôt en chemin de croix, voire en chasse à l’homme.

    La dernière, la plus intelligente, est une réflexion sur le rôle de l’artiste. On pense à l’albatros de Baudelaire, exilé sur le sol au milieu des huées. Le statut de son œuvre est sans cesse questionné : chaque villageois exige le droit de s’y reconnaître quand l’écrivain revendique celui de s’être affranchi de ses modèles. Un écrivain a-t-il une dette avec son inspiration ? Peut-il s’en libérer ? Compromettre son art est-ce l’abâtardir ? refuser de le compromettre est-ce sombrer dans un narcissisme prétentieux ?

    Le séjour de Mantovani à Salas est un crescendo qui se conclue par un twist surprenant. À double détente. Au propre comme au figuré.
    Sally Ecran et toile
    Sally Ecran et toile

    62 abonnés 304 critiques Suivre son activité

    5,0
    Publiée le 21 avril 2017
    El ciudadano ilustre » (« Le citoyen d’honneur ») fera assurément partie de notre top 5 de l’année 2017. Inattendu, ce film argentin nous a cueilli de bout en bout et constitue une vraie pépite cinématographique ! Si vous ne l’avez pas encore vu ou que vous ne vous êtes pas (encore) intéressé au phénomène, on ne saurait trop vous conseiller de le faire… Pour nous, le dernier film de Gastón Duprat et Mariano Cohn représente à la perfection tout ce que nous aimons dans le Cinéma avec un grand C !
    AlphaWolf
    AlphaWolf

    75 abonnés 829 critiques Suivre son activité

    1,0
    Publiée le 9 juin 2021
    Deux longues heures de scènes mal filmées, pas très bien interprétées, toutes plus lentes les unes que les autres, où il ne semble rien se passer, si ce n'est un étalage de cynisme écœurant.
    gjolivier1982
    gjolivier1982

    64 abonnés 330 critiques Suivre son activité

    0,5
    Publiée le 17 mars 2017
    Si le film est une comédie alors on peut dire qu'il n'est pas très drôle. La misanthropie et arrogance du personnage principal ainsi que la laideur morale d'absolument tous les autres personnages qui peuplent de film font qu'il est bien difficile de s'intéresser à ce qui se déroule devant nos yeux. C'est peut être pour ça que le film n'est pas drôle tant il est "méchant" dans la mesure où le regard porté sur ses personnages est non seulement critique mais hautain.
    A cette laideur et pauvreté car le film ne dit pas grand chose on peut dire que la réalisation est raccord avec le propos du film car Elle est d'une grande laideur visuelle, c'est simple il n'y a aucun sens du cadrage, de la composition ou de la mise en scène et absolument aucun souffle cinématographique. Au niveau de l'écriture c'est aussi indigent avec des dialogues plutôt bêtes et creux. Qu'est ce que l'on s'ennuie et qu'est ce l'on se tord sur son siège (inconfortable de cinema d'art et d'essai qui ne supporte pas la médiocrité aussi bien que les salles de grand complexe bien plus confortables).
    En résumé il n'y a pas grand chose à sauver de ce foutraque en dehors de la prestation de l'acteur principal mais au service de quoi? Pas grand chose malheureusement.
    cylon86
    cylon86

    2 509 abonnés 4 430 critiques Suivre son activité

    3,5
    Publiée le 8 mars 2017
    Voilà près de quarante ans que l'écrivain Daniel Mantovani a quitté son village natal d'Argentine pour aller vivre en Europe. Quarante ans durant lesquels il a écrit plusieurs romans et reçu le Prix Nobel de Littérature. Alors qu'il manque d'inspiration et qu'il refuse systématiquement toutes les sollicitations qu'on lui fait, il décide néanmoins de retourner à Salas en Argentine qui souhaite le nommer citoyen d'honneur. La tentation est trop grande pour lui et le voyage l'intrigue. Mais revenir dans son village natal après toutes ces années, même pour être honoré, n'est pas forcément une bonne idée. Les fantômes du passé peuvent resurgir et tous les habitants ne sont pas forcément réjouis de voir le romancier qui a gagné sa vie en écrivant sur eux être mis à l'honneur...

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    chas
    chas

    37 abonnés 180 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 20 mars 2017
    Borges n’a jamais eu le prix Nobel, mais un de ses compatriotes vient de l’obtenir : c’est de la fiction. Cet écrivain argentin revient dans son village natal qu’il a quitté il y a trente ans.
    S’étant inspiré des personnages rencontrés dans sa jeunesse pour bâtir une œuvre qui lui a apporté la fortune, il va devoir servir les intérêts divers de ses concitoyens pendant son court séjour. Sous des allures de comédie, ce film, qui mérite bien des honneurs, développe le thème de l’écart entre la réalité qui peut dépasser l’imagination et inversement.
    Les personnages pittoresques ne sont pas des pantins d’une usine à gags, ils permettent d’entrer vivement dans le débat concernant la « post vérité » qu’on n’ose même pas appeler « mensonge ».
    Il est question de la fracture culturelle, du temps qui passe, de la fidélité à soi même, de courage, de sincérité, et d’ennui, sans une once de mépris.
    Les grincements qui font rire s’amplifient pour une montée en tension parfaitement menée.
    Quand s’avance le dénouement, les masques tombent.
    Et l’humour nous sauve encore sur ce coup.
    Newstrum
    Newstrum

    46 abonnés 261 critiques Suivre son activité

    1,5
    Publiée le 12 mars 2017
    Un sujet potentiellement intéressant (un écrivain prix Nobel retrouve le village argentin qu'il a fui il y a des années et qui a inspiré son oeuvre), mais un film cynique et plein de mépris pour ses personnages. De plus, la réalisation au format vidéo frise l'amateurisme. L'accueil critique favorable est bien curieux. Voir ma critique complète sur mon blog :
    Roger O.
    Roger O.

    12 abonnés 35 critiques Suivre son activité

    4,5
    Publiée le 14 mars 2017
    Le prix Nobel de Littérature consacre-t-il une œuvre ou signe-t-il la fin d'un élan créateur? Un écrivain qui se prétend engagé a-t-il le droit de renoncer à vivre dans le monde et la compagnie des hommes pour se réfugier dans une somptueuse villa, toute de verre, de la banlieue huppée de Barcelone? Pourquoi accepter tout à coup l'invitation de la municipalité du trou perdu d'Argentine où l'on est né et que l'on a fui quarante années durant? Curiosité perverse? Désir narcissique de montrer aux autres ce que l'on est devenu? Soif de vengeance contre un village dont tous les romans ont dénoncé les tares et les hypocrisies?
    Le retour au pays natal commence de manière pittoresque par la pitoyable crevaison de la camionnette, chargée de parcourir les 600 kilomètres qui séparent la capitale du village et conduite par un peu impressionné compatriote: voilà notre illustrissime écrivain contraint de passer la première nuit de son pèlerinage au milieu de nulle part.
    S'ensuivent les cérémonies grotesques du défilé dans les rues du pueblo où le prix Nobel se retrouve juché sur la voiture des pompiers, la présidence d'un jury chargé de récompenser la plus belle croûte d'un peintre amateur, les photos avec la miss locale: autant de scènes comiques où l'attitude de l'écrivain oscille entre la sympathie sincère et le regard cynique, attitude complexe merveilleusement incarnée par Oscar Martinez, sacré meilleur acteur du 73ème Festival de Venise.
    Mais les questions concernant la création littéraire vont vite revenir sur le devant de la scène au cours des conférences que le "citoyen d'honneur" donne devant un public de plus en plus lassé par les prétentions de "l'intellectuel": les villageois ou leurs descendants n'ont-ils pas raison de se reconnaître dans les personnages malmenés dans les œuvres de l'auteur? Celui-ci a beau se défendre au nom de la liberté du créateur, le passé lui revient à la figure: un ancien camarade, une ancienne petite amie, leur fille font éclater l'harmonie factice initiale.
    Le grand écrivain n'est-il qu'un prédateur de la réalité? Les êtres humains qu'il côtoie et feint d'aimer ou d'apprécier ne lui servent-ils qu'à créer des personnages? L'aventure argentine de Daniel Mantovani ne lui a-t-elle été qu'un prétexte pour écrire un nouveau roman après des années de silence impuissant?
    Tels sont les thèmes dont traite le film de Mariano Cohn et Gaston Duprat: alors que l'on s'attendrait à un pensum boursouflé du genre Neruda, les cinéastes ont l'humilité et la subtilité d'interroger ces questions avec humour et tendresse tout en brossant le portrait d'un créateur ambigu et d'une communauté villageoise complexe.
    cosette2010
    cosette2010

    51 abonnés 112 critiques Suivre son activité

    5,0
    Publiée le 27 mars 2017
    De retour à Salas, sa ville natale en Argentine, Mantovani, prix Nobel de littérature, désabusé et imbu de lui même, n''est pas au bout de ses surprises. Le contraste entre l'écrivain sophistiqué et la simplicité campagnarde des habitants de Salas crée des situations cocasses dont les conséquences tournent au drame. C'est intelligent et sarcastique, mais l'histoire ressemble beaucoup au livre de Joe de Jonathan Tropper.
    Domenico W.
    Domenico W.

    15 abonnés 5 critiques Suivre son activité

    5,0
    Publiée le 26 décembre 2017
    Excellente comédie grinçante et cruelle (à l'italienne) de ce duo de réalisateurs argentins qui soulèvent de nombreuses questions sur les rapports entre les artistes et la société. Et un moment de transmission lumineux qui sauve l'humanité du désastre.
    vidalger
    vidalger

    320 abonnés 1 249 critiques Suivre son activité

    3,5
    Publiée le 20 mars 2017
    Un écrivain argentin, auréolé de la gloire d'un prix Nobel de littérature revient dans son village pour la première fois depuis 30 ans et renoue avec ses anciens concitoyens une relation qui va ressusciter tous les aspects d'une petite vie mesquine et décevante de bêtise, de méchanceté et de jalousie qu'il avait quittée sans se retourner et sans regrets.
    Les hommages naïfs et les rencontres surprenantes forment la trame de ce retour au pays qui commence avec un trop plein de gentillesse maladroite et se termine logiquement par un drame presque prévisible.
    Le film est émaillé de déclarations amères sur l'art et la gloire, sur la littérature et les rapports humains. Très écrit au risque de paraitre un tantinet bavard, découpé en séquences qui voient peu à peu s'amplifier l'aspect dramatique de la confrontation entre ces deux mondes si éloignés, le film porte la marque désabusée de beaucoup de films d'Amérique latine, celle de l'humour distancié et d'un certain désespoir.
    Belle interprétation. On regrettera toutefois un trop fort classicisme dans la réalisation et un rythme qui pourrait paraitre mollasson.
    Eowyn Cwper
    Eowyn Cwper

    120 abonnés 2 039 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 11 octobre 2020
    (GROS SPOILERS)

    Daniel Montovani, écrivain mondialement reconnu, reçoit le Prix Nobel de littérature : nous sommes dans un film. À cette occasion, faisant fi des usages, il refuse les courbettes devant les têtes couronnées et délivre un discours moral fabuleusement juste où il illustre l'ironie de remercier pour un prix qui signe la fin de sa carrière.

    Cette introduction puissante est un exemple de la démagogie millimétrée avec laquelle le personnage-star a été écrit. On s'accapare très vite ce fort caractère et ses magnifiques valeurs où se mêle respect et justesse, mais j'en ressors avec le puissant goût doux-amer d'une fantasmagorie. Un Nobel ne peut pas jouir d'une marge telle en société qu'il peut se permettre de refaçonner le monde autour de lui. En tout cas, ça ne peut pas faire l'objet d'un film entier de cette façon.

    On découvre à la fin que tout le film est en fait le récit du nouveau livre de l'écrivain, devenu histoire dans l'histoire. Le fait qu'on vive en fait un roman, et non un film, est supposé justifier le côté "fantasme social" du scénario. Sauf qu'on nous met le doute : les réalisateurs veulent qu'on remette en cause la Vérité et qu'on ne voie le film qu'en tant qu'interprétation. C'est beau car cela nous fait hésiter entre applaudir ou s'agacer de s'être fait avoir. Mais selon moi, c'est de la prestidigitation malvenue, un tour de passe-passe en trop dans un film qui se casse la baraque tout seul.

    Le précédent paragraphe m'a été inspiré par les dernières images du film. Reprenons donc dans l'ordre.

    Daniel Montovani, écrivain mondialement reconnu, a reçu le Prix Nobel de littérature cinq ans auparavant : nous sommes dans un LIVRE. Invité dans sa ville natale argentine, Salas, il est amené à annuler tous les prestigieux rendez-vous qui remplacent son activité d'écrivain depuis cinq années. Arrivé à Salas, il redécouvre le monde simple qui l'a vu naître et dont il s'est déshabitué pendant 40 ans.

    Pour nous qui avons vu cet homme devant un immense public à Stockholm, le court-métrage monté par la télé locale en hommage à sa vie est une farce, mais lui le découvre avec émotion, car c'est un homme aux principes féroces, un roc face à n'importe quelle adversité, qui ne craint pas de s'attendrir avec le retour à ses origines. Mais les choses ont changé autour de lui.

    Le film est un bijou quand il passe l'écrivain à la moulinette de Salas. Sa répartie éclabousse les simples gens avec une forme de beauté oscillant entre amoralité et immoralité. Est-ce cynique de traiter des Argentins traditionalistes au travers des vertus européennes modernes ? Est-ce de l'abus de pouvoir de sa part de prétendre les éduquer ? Est-il en tort quand il met sa magnifique rhétorique au service d'une joute verbale qui tient plus de l'écrasage d'insecte sous sa semelle ?

    Les questions que le film soulève sont infinies. Souvent, on aura l'impression d'être le seul refuge de l'écrivain, pris entre l'émotion de revenir chez lui et l'hostilité des gens qui l'ont hypocritement et piètrement intronisé « citoyen d'honneur de Salas ». On a envie de lui dire qu'on est là, qu'il n'est pas un traître à sa patrie contrairement à ce que lui dit le sentiment qui monte en lui, alimenté par les faux-semblants et la superficialité de ses concitoyens.

    C'est d'autant plus douloureux quand, de notre statut de spectateur moralisateur (au sens que c'est à nous que l'on réserve la tâche de rétablir, en notre for intérieur, la juste reconnaissance des mérites), nous devenons celui qui est trahi. L'œuvre, en révélant à la toute fin qu'il ne s'agissait que d'une histoire dans l'histoire, révèle qu'à tout moment elle était supérieure à nous et que le rôle qu'on se donnait n'était qu'illusion.

    Coup de maître ? Sans doute. Suis-je de mauvaise foi si j'en veux au film de Cohn et Duprat pour son instrumentalisation du spectateur ? Oui, car leur grandiose trahison est blessante, ce qui, en un sens, est une preuve de plus que le film m'est réellement supérieur. Mais ça sous-entend que j'en suis indigne aussi. Et j'ai du mal à tolérer qu'on réussît à me faire tant apprécier un film tout en m'empêchant de faire amende honorable devant tant de maîtrise. Je n'ai jamais donné de 8/10 de plus mauvaise grâce.

    → https://septiemeartetdemi.com/
    Ufuk K
    Ufuk K

    517 abonnés 1 473 critiques Suivre son activité

    3,5
    Publiée le 9 mars 2017
    "citoyen d'honneur " bien noté par la presse et qui a valu à son interprète principal un prix au dernier festival de Venise est un film intéressant.Cette comédie satirique qui peu à peu devient un drame critique l'hypocrisie de la société Argentine et ses travers avec un Oscar Martinez très juste dans son rôle.
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