La guimauve, ce n'est pas mauvais au début. Mais lorsqu'on vous met un entonnoir jusqu'au fin fond de la gorge et que l'on commence à vous en déverser des hectolitres dedans sans s'arrêter, ça devient tout de suite moins sympathique. Le visionnage de "Wonder" se résume hélas assez bien à cette séance de gavage improbable...
Au début, la dégustation est en effet des plus alléchantes. Comment ne pas s'attacher instantanément au petit Auggie, un enfant dont le visage est atteint par une malformation génétique ? Rêveur, drôle et courageux face au monde extérieur, l'enfant entame sa toute première année scolaire et doit affronter le regard cruel de ses petits camarades sur sa difformité. Jacob Tremblay se révèle une fois de plus incroyablement touchant dans le rôle, les réactions et les blessures au fil des jours de classe de ce petit garçon pas comme les autres sonnent toujours assez justes pour faire vibrer notre corde émotionnelle.
D'ailleurs, avec une certaine intelligence, "Wonder" ne va pas se fixer uniquement sur Auggie, le film va se découper autour des points de vue de son entourage pour nous montrer les influences de la condition de cet enfant sur toutes les personnes qui l'accompagnent au quotidien. Cette construction sera notamment extrêmement pertinente avec sa soeur ayant grandi en quelque sorte dans l'ombre de l'handicap de son jeune frère ou la meilleure amie de celle-ci dont la face cachée surprend réellement.
Mais, sans que l'on sache trop pourquoi, "Wonder" se met soudain à déraper vers le tire-larmes invraisemblable en enchaînant les facilités consternantes. Passé sa première moitié, le film ne semble plus vraiment savoir quoi raconter en accumulant les points de vue et l'intelligence qui le caractérisait jusqu'alors va s'envoler par magie. Toutes les situations bonnes à vous faire pleurer avec les plus grosses ficelles s'empilent de manière improbable (même un chien y laissera la vie, il faut des larmes qu'on vous dit ! En passant, après "Marley & Moi", il vaut mieux qu'Owen Wilson ne s'approche plus des chiens au cinéma), les bons sentiments s'agglutinent jusqu'à faire devenir une bonne partie des personnages des caricatures sur pattes (mention spéciale à la scène du proviseur gentil comme un arc-en-ciel en miel avec les méchants, très méchants, parents riches d'une petite brute) et, enfin, "Wonder" devient long, trop long, en s'étant beaucoup trop éparpillé dans sa deuxième partie.
La meilleure traduction de tout cela sera la conclusion facile et attendue de ce type de feel-good movie prémâché qu'est devenu en cours de route "Wonder" : un événement où tous les personnages se lèvent pour applaudir le petit Auggie pendant un long moment et avec la musique adéquate pour être sûr de vous arracher les dernières larmes qu'il vous reste. Il aurait même fallu un chien qui aboie de joie pour que le tableau soit parfait mais, pas de bol, ils l'ont tué.
Si vous êtes sensibles, évidemment, que cette espèce de tire-larmes ultime qu'est "Wonder" vous atteindra à un moment ou à un autre, il ne peut en être autrement mais l'arrière-goût discutable et le trop-plein de guimauve industrielle peuvent vous rester sur l'estomac pendant un petit moment...