Ah, Gore Verbinski... J'avais déjà beaucoup aimé son « Lone Ranger », échec mondial totalement immérité. Avec « A Cure for Life », il prend encore une nouvelle dimension, même si la frustration est en partie de mise (j'y reviendrais). Nouvelle dimension car si le réalisateur a toujours été un esthète, il repousse ici les limites tant son film est une splendeur absolue, un régal de tous les instants. Que ce soit cette photographie sublime, ces cadres, ces décors hallucinants ou ces jeux de lumière ébouriffants (pour ne citer que cela) : l'œuvre avait les atours d'un grand chef-d'œuvre gothique, et peut-être de l'une des plus belles réussites de ces dernières années. J'y ai d'ailleurs crû une bonne heure, tant l'enivrement plastique que me procurait l'entreprise avait peu d'équivalent avec ce que j'avais pu voir ces dernières années, et ce alors que l'intrigue évoquait avec plaisir un mixte entre les productions de Roger Corman et celles de la Hammer. Malheureusement, ce qui paraissait être des lacunes mineures finissent par devenir un problème à part entière, tant le scénario devient à la fois totalement incompréhensible à plusieurs reprises, parfois complètement incohérent
(héros passant son temps à se promener dans des endroits totalement interdits sans que personne ne 'en inquiète outre-mesure, réactions parfois invraisemblables, plusieurs aspects en contradiction avec d'autres)
et faisant appel à des éléments dont on se demande encore ce qu'ils viennent faire dans le récit tant celui-ci ne s'appuie au final que sur deux ou trois éléments réellement importants. On a même l'impression au bout d'un moment que Gore Verbinski n'en a plus rien à faire, souhaitant uniquement en mettre plein la vue par tous les moyens (ce qu'il réussit magistralement, donc), sans craindre que notre intérêt pour l'œuvre soit remis en cause par ce grand n'importe quoi scénaristique. Malgré tout, et même si le ridicule n'est parfois vraiment pas loin, cela offre à l' œuvre une qualité inattendue : à chaque fois que l'on craint que l'histoire se termine, Verbinski relance la machine en proposant une nouvelle tournure à l'intrigue : rien d'hyper-surprenant à chaque fois (le « twist » final est franchement prévisible, voire évident), mais presque rassurant tant l'inquiétude de voir « A Cure for Life » se terminer n'importe comment était grande. Niveau casting, Dane DeHaan n'est pas mal sans être aussi troublant que prévu, idem pour Jason Isaacs. En revanche, la jeune Mia Goth fait sensation et incarne à la perfection cette étrange créature parfaitement dans l'esprit tourmentée de l'œuvre. Bref, c'est un festin, il y a de tout : à boire, à manger, des choses succulentes, d'autres à jeter... Je ne peux m'empêcher de penser au chef-d'œuvre qu'aurait été ce titre avec un scénario digne de ce nom, tenant ne serait-ce qu'en partie la route. Mais comment être totalement insensible à cette claque visuelle hors du commun, à cette expérience qui, malgré tous ses loupés, ne ressemble quasiment à rien d'autre vu ces dernières années ? Franchement, ça mérite le coup d'œil, non ?