Il n’est pas étonnant de voir deux noms au scénario de Fred & Lenny – en l’occurrence François Bégaudeau, et le réalisateur Fred Nicolas -, tant le film embrasse généreusement de sujets – pêle-mêle les filles-mères, les amitiés fusionnelles, l’immigration, la mafia marseillaise, le trafic de drogue, la petite criminalité, le machisme, et on en passe. Il y en a peut-être trop, mais on pardonne facilement cet excès à ce premier film plein de fougue et de justesse.
Au centre de l’histoire se trouvent deux jeunes filles a priori assez antagonistes : l’une, Lenny, immigrée algérienne, est terne et masculine, n’évoluant que dans des mondes réservés habituellement exclusivement aux hommes – des trafics de drogue à la Joliette, à la scène du rap – ; l’autre, Maxine, immigrée congolaise, est féminine, joyeuse et solaire. Toutes deux cependant, grandies trop vite à cause des circonstances, sont devenues des mères à leur insu – l’une, Maxine,doit s’occuper de ses trois frères et soeurs et de sa grand-mère toute seule, en l’absence de sa mère, renvoyée au Congo faute de papiers ; l’autre, Lenny, désireuse de perdre sa virginité rapidement, a donné la vie trop jeune.
Le film dépeint leur amitié fusionnelle par des détails, des gestes : Max qui s’assoit sur les genoux de Lenny pour laisser une place à un passager dans le bus ou qui la savonne dans un bain mousseux ; ou encore les deux amies front contre front qui s’étreignent dans un bref moment de tendresse. Il s’agit d’une amitié simple, évidente, qui ne passe pas par beaucoup de mots. Tant mieux, Lenny, mis à part ses chansons de rap qui lui servent d’exutoire idéal, est plutôt du genre laconique. Les grandes effusions, ce n’est, a priori, pas trop son truc.
Portrait de deux filles-mères qui se cherchent, d’une amitié très forte, et d’une partie de la population marseillaise – les immigrés et les dealers, avec, en lisière, vigiles, policiers, assistants sociaux et instits -, Max et Lenny est aussi et avant tout un film sur ce que la musique peut nous apporter, et comment elle peut nous sauver : le rap – d’ailleurs les plans rapprochés sur une Lenny psalmodiant ou crachant son « flot » et tout ce qu’elle a sur le coeur, qu’on aurait aimés plus nombreux, se révèlent parmi les plus saisissants du long-métrage -, mais pas seulement. Il y a aussi de la musique classique – le Concerto numéro 23 de Mozart présent sur l’i-pod de Lenny, avec elle en permanence, dont elle fait écouter un morceau pendant une visite à sa fille Nina et sur lequel elle réalise une reprise présent durant le générique de fin, ou encore la chanson de Wendy Rene, apposée pendant une ronde en moto nocturne, et aux paroles on ne peut plus signifiantes : « After Laughter … Comes Tears ».
(critique parue sur le site Toutelaculture.com-