« Au nom de ma fille » est un film assez court, à peine 1h30 pour raconter une histoire qui se déroule sur près de 30 ans. C’est un film avec un fond passionnant pour qui s’intéresse un peu aux faits divers, un film porté quasiment entièrement par Daniel Auteuil et qui fera probablement un carton en diffusion TV car il est, et c’est un petit peu dommage, visiblement formaté dans ce but. Daniel Auteuil, dont le talent n’est plus à démontrer, incarne donc un André Bamberski très juste. C’est un père en deuil très digne, très sobre jusque dans l’expression de son chagrin ou de sa colère, à l’exception de quelques scènes. Il y a chez Auteuil une capacité remarquable à exprimer des sentiments intériorisés que j’avais déjà remarqué dans « L’Adversaire » par exemple. Il était donc parfait pour ce rôle d’homme digne et déterminé, jusqu’à l’obsession, jusqu’à la limite de la folie, qui perdra quasiment tout dans la lutte qui l’oppose aux Chancelleries Européennes et aux Affaires Etrangères. On a la faiblesse de croire, en tant que spectateur, que si le meurtre de Kalinka avait eu lieu en France et commis par un français, il n’aurait pas mis 30 longues années à obtenir justice. Mais peut-être se trompe-t-on ? Quoi qu’il en soit, Daniel Auteuil est parfait et très bien entouré par Sébastian Koch qui met son charisme au service d’un rôle vénéneux, un rôle de vrai salaud dissimulé sous un visage avenant et un charme indéniable. Je souligne aussi la bonne prestation de Marie-Josée Croze, épouse enfermée dans un déni total teinté (on le suppose) d’un sentiment de culpabilité insupportable. Le film, qui se déroule sur 30 ans, voit les personnages vieillir, c’est très bien rendu, on sent le poids des années qui les écrasent tous les trois, comme s’ils ployaient sous le poids d’une histoire trop lourde à porter pour une seule vie. La réalisation de Vincent Garenq est très sobre, peu de musique, peu d’effet de manche, elle se met entièrement au service d’un scénario qui a ses forces mais qui, et je le regrette, manque d’audace. En effet, comme je l’ai dit, sur le fond l’histoire est passionnante et on ne s’ennui pas une seconde. Le combat d’André Bamberski contre le monde entier (la justice allemande, la justice française, la diplomatie française, la diplomatie autrichienne) aurait pu apparaitre rébarbatif et obscur mais ce n’est pas le cas, c’est au contraire clair et on a l’impression de tout comprendre, alors même que le film manipule des concepts juridiques et légaux complexes. La ténacité de Bamberski, qui distribue des tracts, fait des allers-retours incessants en Allemagne, accumule les faits, va jusqu’à faire exhumer sa fille des années après sa mort, ça emporte l’adhésion du spectateur et pour tout dire, ça force l’admiration. Mais si le fond est clair et fort intéressant, la forme n’impressionne pas outre-mesure, quant à elle… Le scénario est totalement linéaire, à deux trois scènes près : 1974… fond noir…1982… fond noir… 1988… fond noir, et ça continue jusqu’à la fin. De temps en temps, quelques flash back (au ralentit, quelle originalité !) mais le film se déroule comme on déroule une pelote de laine, en enchainant les épisodes clefs de l’histoire comme on ferait des sauts dans le temps, des petits, des grands, pour finalement arriver à un ultime écran noir nous informant de ce qu’il est finalement advenu à l’un et à l’autre. Dans la forme, le film de Garenq est sobre, c’est sur, classique, c’est sur… Moi j’aurais surtout tendance à dire qu’il est formaté pour plaire aux spectateurs de TF1 un dimanche soir. Et puis c’est là qu’il finira, ce film, puisque c’est TF1 qui le cofinance. On peut objecter qu’une histoire comme celle-là ne peut être traitée qu’avec clarté et sobriété, sinon on n’y comprend rien… Je veux bien l’entendre, mais un peu de souffle, de créativité, d’audace scénaristique, n’auraient pas fait de mal à l’histoire édifiante d’André Bamberski. Alors que là, son histoire est scénarisée comme un téléfilm, linéaire jusqu’à en devenir presque scolaire, et ça laisse malheureusement une impression un peu mitigée au final, l’impression d’avoir assisté plus à un épisode de « Faites entrer l’Accusé » sur grand écran qu’à un vrai film de cinéma, et je persiste à penser que l’histoire que le film porte méritait un traitement plus soigné. L’affiche est sans imagination, le titre est affreusement bateau, la musique inexistante, encore une fois ce n’est pas manquer de respect à cette histoire que de la traiter comme un vrai film. Sur ce point, « Au nom de ma fille » me laisse sur ma faim, dommage…