Quand j’ai découvert que Paul Verhoeven sortait un film avec Isabelle Huppert dans le rôle principal, moi ça m’a fait un peu bizarre… C’était un peu comme si on m’avait dit que Kev Adams allait être la tête d’affiche du prochain Christopher Nolan. J’ai beau avoir confiance dans le réalisateur, ça peut néanmoins très vite avoir ses limites. Mais bon voilà, on parle de Verhoeven tout de même : un gars qui ne m’a (presque) jamais déçu (kof kof « Showgirls » kof kof). Et pour le coup, je dois le reconnaitre, mais le début m’a tout de suite mis dans le ton. Tout de suite, l’ambiance était plantée : avec « Elle », on n’aura pas de vieille comédie de mœurs bourgeoise comme la présence d’Isabelle Huppert aurait pu le laisser présager. Oh que non ! Bien au contraire, Verhoeven instaure dès le départ ce qui est presque devenu sa marque de fabrique : le malaise. En cela, je trouve qu’« Elle » assure le taf. L’air de rien, Verhoeven a toujours été un gars qui a été capable de prendre un genre et de jouer avec ses codes pour nous mettre en situation d’inconfort, qu’il s’agisse de la reconstitution médiévale avec « La chair et le sang », du thriller avec « Basic Instinct », ou bien même encore de ’épopée de science-fiction avec « Total Recall » et « Starship Troopers ». Là encore, l’ami Paulo sait se faire habile en récupérant tous les codes du film bobo-parisien pour y instaurer ce malaise moral qui lui est si caractéristique. Difficile d’ailleurs d’en dire plus sans dévoiler l’intrigue et gâcher le plaisir de la découverte. Disons juste qu’encore une fois, le visionnage de ce film ne laissera pas totalement indemne, et c’est un petit peu ce à quoi il faut s’attendre quand on va voir une œuvre de cet auteur. Il ne juge pas. Il ne fait pas généralité. Il pose juste des singularités aux comportements atypiques par rapport à ce qu’on est habitué à nous présenter ; des singularités qui ne peuvent que nous questionner sur les représentations sociales que l’on projette spontanément sur les situations proposées. Alors après – forcément – les esprits les plus rigides en termes de bonnes mœurs risquent fort de se crisper face à cette intrigue qui dérange sans condamner ; qui présente sans juger… Mais bon, c’est ça le cinéma de Verhoeven donc mieux vaut le savoir à l’avance. Pour les autres, pour les explorateurs d’un cinéma d’expériences atypiques, « Elle » saura satisfaire le minimum attendu, même si pour le coup, l’ami Paulo ne tape pas aussi fort et aussi loin que pour ses précédents films. Le genre abordé – la comédie de mœurs parisienne – n’aide pas. C’est un genre qui a des codes assez rigides et froids. Certains personnages, surtout ceux issus de la boîte de jeux-vidéo, ne sont pas particulièrement réussis. Ils sont un peu trop caricaturaux et transpirent finalement peu de chose. Le duo Huppert-Laffite fonctionne par contre particulièrement bien par rapport à ce que j’attendais d’eux. Séducteurs et répugnants en même temps ; cyniques et touchants: ils savent tous les deux traduire au mieux l’ambigüité de leur personnage respectif (oui, je dis du bien d’Isabelle Huppert, cochez donc vite la date sur votre calendrier). Alors peut-être que le film aurait gagné à aller plus loin dans le malaise et l’ambigüité, peut-être aurait-il dû franchir la ligne rouge plus tôt, mais d’un autre côté c’est son aspect progressif en lancinant qui en font tout le charme. Dommage donc qui ne semble pas aller au bout de sa démarche, de son propos… Pour moi, ce n’est donc pas le meilleur Verhoeven – loin de là – mais d’un autre côté je trouve ce film loin d’être inintéressant par rapport au reste de sa filmographie. « Elle » est maitrisé, cohérent, sans réelle fausse note. A défaut d’avoir été pleinement ambitieux, le film est au moins efficace, et c’est déjà ça. Bref, un film qui vaut quand même le coup d’être vu…