Ah, le grand retour de Paul Verhoeven !! Dix ans qu'on l'attendait, mine de rien. Et si le résultat est (légèrement) mitigé, on ne peut que se féliciter d'un tel titre dans cette année cinématographique bien morose. Bon, j'avoue déjà que visuellement, le film m'a paru assez loin des grands crus du hollandais violent, tandis que ces personnages, tous à moitié cinglés et franchement peu sympathiques, ont fini parfois par me lasser, le milieu concerné ici n'étant clairement pas le mien (malgré le plaisir d'y voir une scène tournée dans ma ville de toujours!). Reste qu'une fois dit cela, voilà une œuvre provoquant clairement un long malaise et beaucoup d'interrogations plus délicates les unes que les autres tant Verhoeven se contente d'interroger sans répondre, ni même vraiment juger. Ainsi, tout ce petit monde a donc beau ne pas être très sympathique, cela ne l'empêche pas d'être souvent intéressant à travers les différentes scènes du film, participant ainsi à l'atmosphère si étrange de l'œuvre, une espère d'angoisse sourde où la violence peut exploser à tout moment... De plus, si l'identité du violeur n'est pas une grande surprise, la manière dont le réalisateur filme l'étrange lien qui lie la victime à son bourreau a quelque chose d'aussi choquant que fascinant. Volontiers (très) ambigu, « Elle » sent souvent le soufre tout en multipliant les intrigues secondaires avec habileté, celles-ci souvent beaucoup moins anodines qu'elles ne le paraissent, et surtout très évocatrices de chacun des personnages, en premier lieu celui d'Isabelle Huppert, évidemment excellente dans un rôle pour le moins complexe, sans pour autant empêcher les seconds rôles d'exister, de Laurent Lafitte à Anne Consigny en passant par Charles Berling, Judith Magre ou Virgnie Efira. Je ne peux pas dire que j'ai « aimé » ce film, mais ce qui est sûr, c'est qu'il m'a interpellé, bousculé, surpris (l'auteur de « Basic Instinct » restant maître pour créer le trouble à de nombreuses reprises) : à défaut d'être la plus grande réussite du maître néerlandais, il reste une œuvre à part dans une année manquant cruellement de personnalité et de titres marquants sur la durée : voilà qui justifie amplement le déplacement dans les salles obscures.