[Scénario: 4/5]
Masaan, ou littéralement "le bûcher". Un titre qui, sorti de son contexte, ne vaut pas grand chose, mais qui prend tout son sens par la situation géographique et hiérarchique de l'intrigue, faisant référence à cette caste extrêmement basse dans la société Indienne dont la mission est s'occuper de la crémation des corps au bord du Gange dans la ville de Bénarès.
La force du récit est qu'il croise les destins de plusieurs héros (sortes de catalyseurs de tous les maux de la société Indienne) pour brosser un portrait à la fois complet et lucide de l'Inde actuelle.
[Mise en scène: 3/5]
Une mise en scène assez surprenante, car si elle se fonde sur des faits concrets (pouvant être apparentés à des histoires vraies) elle dérive tout aussi rapidement vers des horizons plus fantasques et oniriques. Tout le cœur du sujet est là: l'Inde, ce territoire paradoxal où la tradition côtoie le modernisme, lui faisant tantôt les yeux doux, tantôt lui déclarant la guerre. Et au milieu de cette situation paradoxale se mêlent plusieurs générations de personnages: certains observant la sagesse et la rigueur des traditions héritées de leurs ancêtres, d'autres le regard rêveur tourné vers le monde, la modernité et ses milles tentations et merveilles. Même si les différentes générations cohabitent et que la plus jeune s’efforce de faire preuve de respect envers la plus ancienne, on sent que l'écart se creuse et qu'inévitablement, ne se comprenant plus tout à fait l'une l'autre, conflits et drames ne font que s'intensifier. D'ailleurs la fresque que s'efforce de dresser Neeraj Ghaywan dans son film est plutôt sombre... et pourtant l'intelligence de Masaan c'est de jouer l'ambivalence grâce à cette mise en scène très lumineuse, alors que l'intrigue elle est sombre et pesante.
[Acteurs: 4/5]
La première chose qui me vient à l'esprit quand je repense à ce casting est le mot "naturel". J'ignore si ces acteurs sont des stars locales dans leur pays, mais leur jeu dégage à la fois une grande sensibilité tout en restant dans le crédible et la retenue. Comment ne pas tomber sous le charme de Devi, cette jeune Indienne qui se retrouve condamnée/ piégée par la machine judiciaire pour ne pas avoir respecté les mœurs d'une société aveuglée par ses traditions ? Comment rester insensible face à Deepak, véritable battant prêt à tout pour gravir les échelons de sa caste et prouver au monde qu'il peut aimer une fille "qu'il ne mérite pas" ?
[Photographie: 5/5]
Des images enchanteresses et contrastées qui parviennent à montrer cette Inde aux deux visages où la beauté et le charme la ville sainte sur les rives du Gange côtoie la tristesse et l'infamie des cérémoniels aperçus sur les Ghats de crémation. Les images sont force de représentation et véhiculent parfois bien plus d'émotions que les dialogues ne pourraient en coucher sur le papier: un choix judicieux de plans et d'incorporation d'éléments visuels.
[Bande Originale: 4/5]
Formée de compositions locales aux sonorités charmeuses, une BO qui nous emporte avec mélancolie et admiration dans cette intrigue, décidément bien loin de l'univers clinquant et coloré des airs Bollywoodiens que l'ont connaît.
[TOTAL: 4/5]
Masaan est un film admirable dans sa simplicité et sa lucidité qui nous plonge dans cette société Indienne qui, oscillant entre tradition et modernité, peine à trouver sa nouvelle identité et étouffe sa jeune génération sous le poids des lois, des règles et des traditions. Malgré les nombreux aspects dramatiques du récit, la force du film est qu'il parvient sans cesse à renaître de ses cendre proposant paradoxalement une vision plutôt lumineuse au lieu de s'empêtrer dans un pathos maladif.
Pour une fois que le cinéma Indien s'éloigne de l'univers kitsch et coloré de Bollywood et propose un drame touchant, réaliste est bien construit, je pense qu'il mérite d'être salué ! Un film à découvrir sans hésitations !