« Colonia », le dernier thriller historique de Florian Gallenberger marquera à coup sûr tous ses spectateurs. Par son sujet, méconnu et ô combien choquant, mais aussi par la maîtrise dont fait preuve toute l’équipe du film. Haletant, stressant, étonnant, le long-métrage de l’Allemand ne laissera pas indifférent.
Distribué en France en juillet dernier, « Colonia » n’avait malheureusement pas trouvé sa place dans nos programmations belges. A regret car le film de Gallenberger vaut véritablement la peine d’être vu, notamment pour son casting d’exception mené de main de maître par un Daniel Brühl au sommet de son art.
L’acteur allemand est un des acteurs contemporains sur lesquels les réalisateurs peuvent s’appuyer en toute confiance. Jamais à côté de son rôle, le comédien excelle quelques soient les difficultés rencontrées. Qu’il incarne un coureur de F1 blessé (Niki Lauda dans « Rush »), un adulescent prévenant à l’égard d’une mère déstabilisée (« Goodbye Lenin ! »), un soldat de Tarantino (« Inglourious Basterds ») ou un avocat investi (« La femme au tableau »), Daniel Brühl n’a jamais déçu, que du contraire ! Il a cette capacité de muer et d’entrer dans la peau de ses personnages avec conviction. Ici encore, il incarne Daniel, un résistant contre le régime de Pinochet, défenseur de la politique d’Allende, en proie de terribles représailles. Son personnage, qui « mute » lui-même dans le fil de l’histoire, laisse la possibilité au comédien de montrer un peu plus l’étendue de son extraordinaire talent.
Pour lui donner la réplique, Emma Watson. Cantonnée dans son rôle d’Hermione Granger depuis des années, la jeune anglaise sait pourtant tenir des rôles plus denses, la preuve ici encore. Dans « Colonia », la comédienne incarne Lena, une jeune hôtesse de l’air amoureuse de Daniel. Lorsque celui-ci se fait embarquer par les milices de Pinochet, elle n’a qu’une obsession : le retrouver. D’une bravoure admirable, elle entrera dans la secte « Colonia Dignidad » au péril de sa propre vie. Avec ce personnage, elle prouve une fois encore sa capacité d’interpréter des rôles compliqués, nécessitant de marquer son âme pour que cela transparaisse à l’écran. Déjà pleine de promesses dans son rôle d’Angela (abusée sexuellement par son père dans « Regression » d’Amenabar), elle poursuit sur la voie des rôles dramatiques qui la révèlent véritablement.
Enfin, il y a le glaçant Michael Nyqvist. Le Suédois, connu notamment pour son rôle de Mikael Blomkvist dans la trilogie « Millenium », à la gueule du méchant. Et ça tombe plutôt bien car ici, le comédien incarne le Mal personnifié : Pius. Ce « prédicateur », Paul Schäfer, a véritablement existé, de même que sa condamnable colonie. Durant près de 40 ans, ce lieu bénéficia de la protection du dictateur Pinochet, et servait, entre autres choses, de lieu d'emprisonnement et de torture d'opposants politiques. Incroyablement terrifiant dans son rôle de Pius (surnom de Schäfer), Michael Nyqvist impressionne par son charisme et son jeu plus vrai que nature.
Si le casting du film est un véritable point fort, il n’est pas le seul. Le scénario de Florian Gallenberger et Torsten Wenzel est bien pensé, l’ambiance angoissante incroyablement plantée (on s’y croit vraiment), le rythme parfaitement étudié au point de ne jamais lâcher notre attention. Et que dire de la réalisation ? Basé sur des faits réels, « Colonia » est un tout grand film, qui instruit (et met en lumière un pan de l’histoire chilienne relativement peu connue) et qui bouleverse. Où sont les limites de la perversité humaine ? Quels choix peut-on faire par amour ? La survie est-elle innée et comment peut-elle être supplantée ? Le film fait réfléchir et montre que les horreurs, qui se pratiquent dans certains coins de la planète, peuvent souvent être étouffée par le jeu des politiques, alors qu’au lieu de fermer les yeux, il serait plus judicieux de les ouvrir…et de combattre pour la juste cause et pour la liberté !