Les films réussis sur les sectes parviennent toujours à vous plonger, en même temps que les protagonistes du long-métrage, dans les tourments monstrueux de la manipulation collective. On pense au très anxiogène "Martha Marcy May Marlene" qui réussissait à pénétrer au cœur même de la dépendance psychique que les personnes installent avec leur bourreau. Ici, dans "Colonia", la petite histoire se mêle à la Grande Histoire, en plein Chili, au moment où Pinochet prend le pouvoir, contre Salvador Allende, dont on comprend à demi-mots que les Etats-Unis n'ont pas été indifférents à sa chute. C'est le récit simple d'un couple, elle, hôtesse de l'air, et lui, journaliste en herbe et militant socialiste qui se retrouve torturé puis enfermé dans une secte terrifiante ; sa compagne, Léna, se fait enrôler dans l'organisation pour retrouver son amant et le sortir des griffes de cette machine à broyer les cerveaux. Tout le film est rempli d'une tension vive qui ne lâche jamais le spectateur d'un bout à l'autre du film. On suit le parcours haletant et anxiogène du jeune couple, tout en observant avec horreur, la mécanique monstrueuse de l'enrôlement psychologique. Tourné comme une œuvre horrifique, on pense au célèbre "Village des damnés" où les visages adultes, prisonniers de leurs enfants, semblaient plus mortifères que réels. Certaines scènes de pure horreur sont tournées avec la pudeur indispensable, s'agissant notamment des pulsions sexuelles du Gourou pour les enfants, sans pour autant en ôter la puissance dévastatrice. Bien sûr c'est un film américain, et c'est hélas son grand défaut. Grand défaut car la langue que parlent les chiliens est l'anglais, ce qui constitue un contresens absolument dérangeant ; grand défaut car l'idéologie occidentale, quasi manichéenne, rôde sur le film. Mais, passés ces défauts, "Colonia" demeure une œuvre honnête, passionnante et angoissante, qu'Emma Watson, bien loin de ses prestations dans Harry Potter, mène avec brio et persévérance.