Plein champ, un couple se masturbe. Nous entrons dans le film de Gaspar Noé par cette scène muette, simple au final, pas pornographique car la longueur, une très belle lumière et la fixité du plan au son d'Erik Satie, lui confèrent un côté artistique dépourvu de toute complaisance. Puis l'homme, Murphy, en couple avec la blonde Omi, reçoit un coup de fil de la mère de sa précédente amoureuse, la brune Electra, inquiète de sa soudaine disparition. Alarmé par cette nouvelle, son passé avec cette femme va resurgir. Les souvenirs assez opiacés vont se succéder à rebours, lui rappelant le parcours assez chaotique de ce couple : triolisme, boîte à partouzes, relation avec une personne transgenre.
Vendu comme le premier film avec des scènes de sexe non simulées (mouais, il y avait quoi alors dans "Nymphomaniac", "L'inconnu du lac " ou "La vie d'Adèle" ?), "Love" n'est nullement un film porno. Le regard qu'il porte sur les rapports de couple n'est ni malsain, ni facile. Aucune scène ne s'adresse à la partie reptilienne de notre cerveau même si parfois, dans cette profusion de rapports sexuels, on peut discerner une certaine fascination ou obstination à vouloir cerner le plaisir physique. Le scénario, pas folichon, est parfois un prétexte à amener ces scènes amoureuses, toujours filmées dans une dominante rouge un peu cliché et entrecoupées de moments dialogués, prétextes à de longs travellings de couples de face ou de dos, déposés sous le métro aérien parisien (bonjour l'originalité !) ou sur des chemins ou dans de longs couloirs ( clin d'oeil à "Irréversible" ? ). Cependant, le film s'avère passionnant dans ce qu'il ne montre pas réellement. Il interroge le spectateur sur le sexe, le plaisir qui y est lié ainsi que sur sa représentation à l'écran. Chacun le recevra avec son propre vécu. Ceux qui pensent que faire l'amour est un acte aussi banal que manger ou lire, trouveront plutôt sympathique cette tentative d'évocation de l'amour physique sans cache sexe. Ceux qui pensent que cela doit doit rester dans une intimité totale avec lumière éteinte, se rangeront dans le clan des choqués, voire des censeurs, c'est toujours plus facile que de se poser des questions.
Le plus troublant pour moi dans ce film, restera sans doute le portrait intime du réalisateur qui apparaît au fil des scènes. En essayant de représenter le plaisir total et relâché que l'on éprouve quand on fait l'amour, Gaspar Noé brosse également une carte du tendre de ses propres désirs, redoutés, vécus, enviés ou fantasmés. En plus de se citer souvent, comme pour mieux nous affirmer sa présence, le dévoilement de son intime passe pas mal par les scènes de sexe. ( Attention, ici je vais faire de la psychologie à la "Marie-Claire", le magazine...).
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