"Love" accumule plusieurs tours de force assez magistraux et étourdissants, car en premier lieu, comme ont pu le constater avec étonnement la majorité des spectateurs, ce film hors norme rendu quasi expérimental par sa forme et par son style hybride placé entre plusieurs genres cinématographiques parfois mineurs, arrive à accomplir l'exploit, de ne jamais être vulgaire, écœurant, rebutant, nauséeux, évitant d'être gratuitement dérangeant ou simplement très graveleux (pour le plaisir de nous "graveler", diront certains ^^), alors que paradoxalement, le cinéaste Gaspar Noé s'impose le chalenge à priori quasi insensé à relever, de tenter d'illustrer un amour physique fusionnel - qui décline doucement, puis s'effondre dans une chute vertigineuse amorcée sous nos yeux -, en osant mettre en scène son mélodrame érotique, avec une multitude d'étreintes sexuelles non simulée à l'écran, où le cinéaste se permet d'inclure des plans moyens cadrés sur les pénétrations et les mains caressant la peau des partenaires, mais toujours, en réussissant à insuffler une étrange forme d'intense douceur qui semble aspirer à désamorcer et à adoucir le contenu pourtant très explicite de l'image (!)...
En ce sens, dans ce mélodrame érotique, l'amour charnel est montré sous tous les angles de vue physique mais aussi, sous toutes ses latitudes émotionnelles, avec toutes ses variétés et ses déclinaisons, porté par ses jeux érotiques tantôt ordinaires ou au contraire, expérimentaux et tendant à devenir dangereusement suicidaire pour l'harmonie du couple, - mais néanmoins, la "sur-en-chair" de chaque plan osé, se révèle être parfaitement justifiée au cœur de la dramaturgie de ce film érotique intensément mélodramatique et suintant par moment, le désespoir et la mélancolie...
Le kamikaze Gaspar Noé ose imposer à ses acteurs, des ébats sexuels non simulé se déroulant dans le cadre et le champs de force d'une histoire forte et parfois très âpre puisque "Love" décortique la brulure des sentiments amoureux fluctuants, en filmant toutes les retombées psychologiques qui finissent par entrainer en chute libre un couple lâché à la dérive, en mettant en image ses phases d'euphorie et d'exaltation, ses moments de pure félicité et d'intense bonheur, parfois de tensions extrêmes entre ses 2 protagonistes souvent excessifs, et qui finissent chacun de leurs côtés, par sombrer dans le désespoir et la dépression...
En outre, en ayant pleinement conscience de la complexité et de l'immense parie risqué définissant sa démarche narrative et artistique, Gaspar Noé semble avoir tactiquement atténué la portée "organique" et "choquante" des étreintes sexuelles non simulée et filmées, en utilisant une photographie très élaborée et une lumière filtrée, qui savent toujours mettre en valeur judicieusement les courbes des corps, augmenter la douceur et freiner davantage la lenteur de leurs étreintes, bref, le spectateur se retrouve confronté, contre toutes attentes logiques, à une véritable poésie visuelle de l'érotisme amoureux, une poésie troublante de la chaleur des peaux, qui se trouve baignée dans une sorte d'atmosphère psychologique ouatée et légère - d'autant que cette ambiance psychologique se trouve encore renforcée par une partition musicale qui se révèle elle-même d'une grande douceur...
Les spectateurs un peu voyeur, qui voudront découvrir ce film en ayant pour objectif caché de se focaliser sur la seule dimension érotique de l’œuvre, seront désarçonnés par la portée psychologique brutale du récit, qui s'aventure parfois sur le style frénétique, tendu, explosif et chaotique que possédait le brulant mais désespéré "37°2 le matin" [ avec l'inoubliable duo d'acteurs, Béatrice Dalle & Jean-Hugues Anglade ], car "Love" est un véritable mélodrame désespéré, avec ses pointes d'intensités de joie, ses effusions de larme et ses explosions de cris de rage, où les rapports amoureux à l’œuvre entre un homme et une femme sont décortiqués et mis à nu (et pour une fois, ce n'est rien de le dire !! ^^) dans l'évolution chaotique de leurs sentiments, les poussant à se mettre en permanence en danger l'un et l'autre pour tenter de se reconquérir coute que coute !...
En effet, "Love" se définit comme un véritable mélodrame brulant, troublant, hyper réaliste mais aussi intimiste - notamment, parce que ces 2 protagonistes semblent être les victimes de leur amour fusionnel, qui finit par s'altérer puis par s'annuler entre-eux par une sorte d'alchimie détraquée incompréhensible, où ce faisant, il s'avère que la sexualité placée en spectacle sur un écran, arrive finalement à décupler le réalisme des émotions et des sentiments qui sont pourtant seulement jouées par des acteurs - car contre toutes attentes, en montrant frontalement des ébats sexuels, le cinéaste fou-furieux Gaspar Noé, s'éloigne de la superficialité du cinéma porno, pour arriver à leurrer la perception du spectateur, qui éprouve la sensation, que ce couple, serait un véritable couple qui se déchirerait sous ses yeux !...
En toutes logiques, Gaspar Noé a osé véritablement jouer au poker avec son postulat cinématographique ambitieux et dangereusement novateur, en spéculant que la sexualité non censurée et non simulée à l'écran, arriverait à développer un effet inverse, que celui développé par la vulgarité qui rebute et écœure ou par le cinéma porno et sa superficialité que tout le monde connait, - en ayant calculé à bon escient, que cette sexualité naturellement exposée aux regards, arriverait à troubler positivement le ressenti et à induire en erreur la perception du spectateur, qui aurait dès lors l'impression de regarder un "véritable couple" qui s'autodétruit et qui se déchire à l'écran, - et ce faisant, "Love" pourrait parfois correspondre à une sorte de "vidéo reportage de la sexualité d'un couple qui explose", ou à une "TV-réalité de l'amour physique menant au bord de l'abime", en se permettant de "prendre sur le vif", la lente combustion d'un "faux couple réel" !...
En outre, l'utilisation de l'imagerie 3D me semble être une stratégie intéressante pour renforcer le réalisme de la dramaturgie de "Love" car elle tend à réussir à accroitre le principe d'immersion sensorielle et à augmenter la sensation de "réalité" dans la perception subjective du spectateur, puisque dans certains plans 3D filmés, l'effet de profondeur visuelle décuple l'impact dramatique de l'image, en permettant de mieux détacher des silhouettes sombres et denses par rapport à un fond parfois flouté et grisâtre, symbolisant l'état mélancolique et le spleen qui est celui du personnage central masculin.
Pour finir, il me semble primordial d'aborder un aspect "technique" du film qui semble avoir été scandaleusement éludé par la presse et sur les forums cinéphiles, puisque factuellement, ce film constitue un véritable défie technique "physio-psychologique", en terme de combinaison de physiologie sexuelle et de science de la psychologie/sophrologie, pour rendre réalisable, l'interprétation difficile de ce type de rôle de cinéma ! ^^
En effet, dans ce film comme dans tous les autres films, - interpréter un rôle consiste simplement à jouer (ou à "mimer") des émotions (en l'occurrence amoureuses) pour donner vie à des personnages fictifs, néanmoins, dans le concept cinématographique ambitieux qui est celui de "Love", il faut considérer que les acteurs et actrices délivrent de permanent rapports sexuels non simulé face à la caméra, et sans les recours d'aucun trucage numérique, ni l'intervention d'aucune doublure body-porno, ni de prothèse (!) - donc, comment la direction d'acteur s'est-elle organisée (?) - Y-a-t-il eu une préparation mentale et physique spécifique ? ...
Si l'on tient compte que Karl Glusman a été soumis à un rythme de tournage de 12h/jour alors, est-il plausible que l'acteur principal ait préparé son rôle, en ayant été coaché préalablement par une sexologue & sophrologue (?), avant que débute le tournage (mais aussi pendant), afin de mettre en place des "conditionnement érectiles" et une "programmation" mentale permettant d'exclure l'environnement par immersion psychologique, en verrouillant l'attention de l'acteur sur certains éléments (comme le corps des actrices (?!) ^^ )...
Sur ce point particulier, il est intéressant d'observer que ce film soit tagué et identifié sur Internet, depuis peu, avec les mots clés "sexologie", "sexothérapie" & "sexualité" - ce qui tend à confirmer que le contenu de ce film est en relation avec l'univers culturel et scientifique de la "sexologie"... ^^
En conclusion, mais cela correspond à un avis qui n'engage que moi, "Love" pourrait devenir le chef de file (??), de la lignée d'un nouveau type de cinéma, osant accroitre le réalisme d'une action, en proposant que cette action ne soit plus totalement simulée ou feinte, pour donner vie à des personnages fictifs - avec ce type de "cinéma d'inversion du réel et du fictif", il s'agit de fabriquer une histoire fictive en utilisant des actions réellement accomplies et non-simulées !...