Lanners, au fil du temps comme au fil de sa filmographie, fait rejoindre des univers qu’il place tels des villages remplis de personnages, au bord d’un même court d’eau. Ce court d’eau, qu’on pourrait maintenant considérer comme un fleuve au vu de sa largeur et de sa densité, fait transparaître divers sentiments aux spectateurs qui daignent donner un peu de leur temps pour l’observer, paisiblement, sans prise de tête aucune. Et même sans aucune prise tout court. Il faut aimer ce que fait naviguer ce réalisateur sur l’écran, ses vagues à lui ne sont pas impétueuses, et ce surtout dans cette oeuvre en particulier. Il précise dans ses interviews qu’il s’inspire de certains évènements qui se sont déroulés dans sa vie, et qui l’ont marqué. C’est sûrement grâce à ça que l’atmosphère qu’il parvient à faire intégrer à ce projet est des plus délicate et particulière. Et en même temps, des plus pauvre. Revenons en arrière. 2004, année de production de son « Ultranova », et ce jusqu’à son « Les Géants » en 2011, il lui arrive en tête trois histoires bien différentes, et au final pas de beaucoup. Énormément de ressemblances résident dans la partie « long-métrage » de la filmographie de Lanners. Ces quatre derniers pourraient même fonctionner en tant que suite, vu que ce qui s’y apparente le plus sont les personnages. « Ultranova » : Dimitri (Lecuyer), la vingtaine, gars étrange plongé dans un ennui assourdissant et habitant un endroit dénaturé, qui laisse colporter des rumeurs sur son cas sans s’en soucier, jusqu’à ce qu’il rencontre deux femmes alors qu’il ne parlait à personne avant cela. « Eldorado », Yvan (Lanners), la quarantaine et colérique, est l’homme qui se prend d’affection pour un jeune voleur, à lequel il donne une seconde chance. Et puis « Les Géants », où on peut observer une adolescence consumée elle-aussi par l’ennui, à la chaleur d’un soleil d’été, sous l’orée d’une forêt léchée par son lac étincelant. Les thèmes se répètent et ce n’est pas forcément intéressant en permanence, les caractères des personnages sont, pour certains, pas assez approfondis (Suzanne Clément semble n’être présente que pour respecter la norme chiffrée féminine, et aussi pour aider un Dupontel (réellement bon, encore une fois) dans sa quête). Si on ressent la patte artistique d’un réalisateur convaincant, on regrette les failles rythmiques d’un scénario qui s’essouffle et qui nous perd sur le chemin, emporté par des idées peu perspicaces qui bafouillent sans cesse (un duo de marginaux qui ne convainc guère, la transformation d’un Philippe Rebbot en une sorte de créateur de miracles, façon Jésus, plaisante à observer mais qui ressemble plus à une facilité scénaristique qu’à un bon point savamment bien écrit), et c’est la même chose pour l’arrivée d’un sentimentalisme presque exacerbé qui nous saute dessus, d’un coup d’un seul, et qui tente de faire effet, imposant des rencontres pour toujours plus de scènes. Des scènes qui s’étirent et à lesquelles on n’aperçoit pas le final. La Lune à son sommet est filmée, en pleine nuit, les nuages la cachant à peine, comme ces herbes hautes et cette nature aucunement entretenue, sauvage et hirsute comme le sont les personnages qui font partie intégrante de cette épreuve de temps. Attention, toutes les idées ne sont pas mauvaises, bien loin de là. Les apparitions liées de Michael Lonsdale et de Max von Sydow sont enivrantes, décomplexées, et fortement amusantes, comme l’est la période d’apparition de la maladie chez le personnage interprété par Lanners, elle aussi réussie. Et pourtant il manque de cette énergie et de cette légèreté qui se dégagerait parfois, d’un coup d’un seul, et qui imposerait un nouveau tempérament à l’oeuvre en question. Ici, c’est beaucoup de répétitions dans la photographie et dans la manière de réaliser, alors on se lasse. Détail à souligner : Lanners est toujours aussi doué pour créer des personnages attachants. Et cela, ça n’a pas de prix.