Le film de Bruno Podalydes, qui se fait assez rare au cinéma et qui s’est réservé le rôle principal, est un petit moment de douceur et de tendresse bucolique au milieu d’un monde artificiel. D’ailleurs, toute la première partie du film, celle où il se découvre une passion soudaine pour le kayak, illustre bien, par l’absurde, le monde de fou dans lequel on vit sans s’en rendre compte : le livreur qui vous regarde porter vos paquet alors que c’est son boulot, l’omniprésence des écrans, les références qu’on va chercher sur le net en douce pour masquer son inculture, les conversations électroniques alors qu’on pourrait se parler en vrai, etc… L’envie de retour à la nature comme la ressent presque physiquement Michel d’un seul coup, on la comprend sans se forcer. Lui qui a toujours rêvé d’avion se lance dans l’aventure avec un « avion mais sans les ailes », un kayak. Toute cette première partie, la plus réussie à mes yeux, est souvent drôle, très souvent pertinente dans son propos et elle passe toute seule. En revanche, à partir du moment où il se lance (façon de parler car il se lance tout doucement et pas très loin !), le film prend le rythme du kayak de Michel, c'est-à-dire qu’il ralentit. Cette deuxième partie, qui n’est pas inintéressante et a ses qualités aussi, tire quand même un peu en longueur. Mais là encore l’humour est très souvent présent (et fonctionne, c’est drôle et parfois même très drôle !), par petites touches surréalistes (le coup du Super U) et l’interprétation très juste de Bruno Podalydes et Agnès Jaoui emporte le morceau. Epatants tous les deux, ils éclipsent un tout petit peu le reste du casting, à l’exception de Sandrine Kiberlain qui est toujours très juste, toujours très bien, mais qui disparait dans la seconde partie. On regrette peut –être que quelques rôles soient sous-écrits et donc sous-exploités comme ceux tenus par Jean-Noël Brouté et Michel Vuillermoz, à chaque apparition de ces deux-là, on sent l’humour absurde affleurer et c’est très agréable, mais trop fugace. La réalisation est très intéressante, avec des scènes de rêves oniriques jolies et réussies, avec des petits effets de mise en scène tout simples mais efficaces (la scène des doubles miroirs de la salle de bain au début illustre bien la routine du couple, sans qu’il soit nécessaire d’en montrer plus). C’est maitrisé, c’est très bien interprété, on suit les aventures de Michel sans déplaisir mais… Mais on se demande où l’on va, comme lui du reste. Pour apprécier « Comme un avion », il faut accepter de se laisser porter par le courant et ne pas chercher autre chose qu’un simple tranche de vie, une parenthèse dans la vie d’un homme hyper connecté qui veut retrouver un peu d’authenticité. Authenticité dans les rapports humains (à chaque fois qu’il quitte l’auberge, c'est-à-dire souvent, il fait la bise à tout le monde !), retour à la vérité de la nature, introspection, c’est ce qui manque à la vie de Michel et c’est ce qu’il recherche dans cette aventure qui se termine de façon… déroutante. La fin de « Comme un avion » n’est pas une fin, le générique arrive sans que l’on comprenne le sens des dernières images : retour à la vie normale, rêverie métaphorique, changement de vie ? Mystère… Mini coup de griffe contre cette manie de plus en plus répandue dans le cinéma français de faire des fins oniriques qui laissent le spectateur déconfit quand la lumière se rallume ! Ca donne l’impression que le scénariste ne sait pas comment terminer son histoire, c’est volontairement fumeux, çà fait peut-être « intelligent et branché », mais parfois çà ne fonctionne pas. Et là, dans le film de Podalydes, çà ne fonctionne pas, désolé… Mais si on fait fi de cette fin bizarre, l’humour de « Comme un avion » et la tendresse évidente qui s’en dégage nous réservent un bon moment de cinéma sans prétention.