Podalydès est au cinéma ce que Pagnol est à la littérature. Il y a en effet dans ce cinéma du rire, de la douceur, de la tendresse, tout cela dans un grand bain champêtre et poétique. Michel, dont on fête l'anniversaire, s'ennuie. Il rêve d'aviation dans son appartement de Saint-Cloud, auprès de sa belle et généreuse épouse (Sandrine Kiberlain, comme d'habitude, très touchante). Pour avion, il se confectionne un kayak et le voilà parti, quelque part en Ile de France, à la conquête d'une rivière qui l'amène dans une guinguette perdue au milieu de rien. Il y découvre un monde fantasque et attachant, sombre dans les bras de sa tenancière, Laëtitia (Agnès Jaoui, toute en décontraction), et se laisse aller à l'absinthe sans retenue. La musique de Bach, légèrement jazzy, accompagne le film, non tant pour forcer l'émotion, que rajouter du décalage génial au film. Ce film ne prétend surtout pas au road movie, d'autant que le pauvre kayakiste est sans cesse ramené, malgré lui, à cette guinguette où il y croise des clients certes, mais surtout ces gens qui vivent apparemment là toute l'année, en famille. "Comme un avion" est un hymne à l'amour libre. Podalydès ne condamne pas la jouissance, au contraire, il fait de ses personnages des dévoreurs de beauté, d'affection et d'émotions. Il s'agit presque d'un petit conte philosophique qui vante les vertus de l'hédonisme tranquille, dans notre univers aujourd'hui particulièrement abrupt et violent. Le réalisateur montre les choses simples de l'amour, les variations du couple, au milieu d'images de la nature que le héros attrape avec son téléphone. La photographie est si soignée d'ailleurs que les effluves de l'eau, les parfums des arbres et des fleurs vous parviennent presque dans la salle de cinéma. On pense naturellement à Michel Gondry dans l'inventivité des objets, tels ce téléphone portable en carton où le kayakiste prolonge son voyage sur la rivière, ou les 1000 et 1 choses qu'il arrive à fourguer dans la coque du bateau. Ce film est une véritable bouffée d'air pur. Podaliydès ne démontre rien. Il laisse sa caméra caresser la joie de ses acteurs, tous très justes. Son regard de conteur n'obstrue jamais l'image mais laisse au contraire la verdure féconder les sourires. On s'amuse avec ces gens sortis de nulle part, on aime avec l'épouse attentive qui régule les premiers mètres de son mari sur le bateau, et surtout, on attend non sans malice l'apparition de Pierre Arditi, qui joue son propre personnage, affublé d'une canne à pêche et d'un caractère de cochon. Il faut aller voir ce film sans tarder, à la manière de ce kayakiste, qui à défaut d'un avion, s'envole dans les airs alcoolisés et légers de ses rêves, fuyant résolument nos airs trop intelligents et méprisants.