C’est peut-être pour dissiper la touffeur estivale qui nous gagne que Bruno Podalydès nous offre ce jour cette malicieuse fable bienveillante, mâtinée d’un épicurisme à la fois drôle et mélancolique. Balayons d’un revers de manche le seul défaut notable de ce film, le manque de stabilité d’image de certaines séquences. Quelquefois, un steadycam aurait pu s’avérer utile…
Portée par des acteurs épatants, cette chronique d’une odyssée à l’arrêt narrée au fil du courant devient, par le charme fou de cette petite comédie, une épopée enchanteresse. Outre la qualité de jeu des différents protagonistes, Bruno Podalydès se révèle à l'écran avec une présence insoupçonnée, Pierre Arditi est impayable dans son rôle d’irascible carpiste misanthrope, on notera l’humour permanent, qu’il soit issu de fins jeux de mots, d’un burlesque tranquille ou de dialogues ciselés cachant, derrière leur apparente banalité, bien des sous-entendus fort pertinents dans leur actualité. Cette finesse générale n’empêche pas le réalisateur d’épicer son propos de blagues potaches, d’humour de camionneur, d’ironie un doigt lourde. Mais ceci apporte quelques rafraîchissantes rafales dans un doux zéphyr. N’est-ce pas plus mal ?
Le héros principal, Michel, est un rêveur qui ramène tout à une obsession, l’aviation d’antan. Mais comme bien des rêveurs d’aujourd’hui, il n’ose concrétiser car il n’est pas de bon ton, dans notre société, de se singulariser. Aussi, quand il découvre le squelette d’un kayak, palindrome, il craque pour cet avion aptère. Mais son épouse, Rachel (Sandrine Kiberlain) le découvre sur le toit de l’immeuble et le pousse à larguer les amarres. Il faut assumer ses envies ! Vogue la galère. Lui qui pagayait sur son toit, rêvait de grandes traversées en solitaire, part sur une jolie rivière inconnue et découvre, dès la première escale, une guinguette où il fait la connaissance de Laetitia (Agnès Jaoui), la patronne, de Mila (Vimala Pons), l’avenante serveuse, de Christophe (Michel Vuillermoz) et Damien (Jean-Noël Brouté), clients bricolant un bac afin d’aller sur l’autre rive, là où il n’y a rien, et buvant de la fée verte. Michel sympathise avec eux et, le lendemain, ne peut quitter les lieux… Ainsi, au fil du récit, Bruno Podalydès pointe sur les exacerbations de notre vie actuelle, dans sa nécessité de se retrouver, de se ressourcer, d’assumer ses rêves, ses désirs enfouis, d’être authentique ! Il nous démontre, s’il le fallait encore, que nous avons du mal à laisser tous nos liens modernes, la radio, le téléphone, que nous ne pouvons plus fuir, poursuivis par le GPS, que le mensonge ne devient possible que si l’autre y trouve un certain confort. Il tente de comparer les types d’infidélité, celle due au hasard et celle programmée…
Ce moment de pur bonheur cinématographique déroule sa tendre et cocasse partition, chant de liberté où tout est permis, et vous envole dans un paradis enchanté de rencontres ensoleillées dont on aurait tort de ne pas profiter.