Les premières scènes de ce film laissent présager le pire: on se demande, inquiet, si l'on va assister, pendant les deux heures et quelques qu'il dure, à des discussions interminables et très "intellos" sur l'Art (avec un grand A)! Mais tout s'arrange très vite et, pour peu qu'on s'abandonne au récit et qu'on se laisse griser par les personnages, on ne peut qu'être séduit.
Difficile d'en donner une idée précise. Disons que le personnage joué par Bertrand Bonello part à la recherche de la figure du monstre dans la peinture. Il lui faut trouver une oeuvre qui sera le pivot du film qu'il projette de tourner. Pour ce faire, il trouve en une jeune femme (Célia Bhy) le guide dont il a besoin. Le plus souvent accompagné ou, à défaut, inspiré par elle, il va de musée en musée et d'oeuvre en oeuvre. Des peintures, mais aussi des sculptures, retiennent son attention: oeuvres de Francis Bacon, Le Caravage, Gustave Moreau, Balthus, statue d'hermaphrodite, etc. On passe du charme du musée Gustave Moreau à l'excentricité du Centre Beaubourg. On se passionne, on s'interroge, on scrute... Qu'est-ce que la monstruosité?
Mais en rester là risquerait de laisser croire que ce film n'est en somme guère plus qu'un habile documentaire sur la peinture. Le réalisateur, Antoine Barraud, a construit un film savant peut-être, très bien écrit sans aucun doute, mais surtout regorgeant de surprises et d'inventivité. Si ce film séduit, c'est parce qu'il multiplie les échappées poétiques, les petites touches inattendues, les étrangetés... Impossible d'énumérer toutes les bonnes idées qui l'égrènent: cela va d'un même personnage qui est joué par deux actrices différentes à un fantôme surgissant de la nuit pour murmurer des paroles à l'oreille d'un homme endormi, en passant par une jeune femme qui se met parler en chantant, sans oublier, bien sûr, le dos rouge qui donne son titre au film. Que signifie donc cette tache rouge apparue dans le dos de Bertrand Bonello et qui s'agrandit au fil du temps? N'est-elle pas le signe que la monstruosité n'est pas seulement une pensée d'artiste, mais une des réalités présentes dans le coeur de l'homme?
Habité par une multitude de correspondances, à la manière baudelairienne, qui font s'adjoindre et se parler le charnel et le spirituel, voilà un film inépuisable, si imprégné de poésie qu'on pourra le voir et le revoir de nombreuses fois en étant sûr d'y trouver toujours du nouveau! 8/10