Un homme. Un tribunal. Une vie passée dedans, des gestes et des paroles qui se répètent, inlassablement, alors que les têtes passent, les-unes après les autres, et que les affaires se ressemblent. Fabrice Luchini offre sa dépendance à un personnage fermé sur lui même, dont on ne sait rien et en même temps pas mal de choses. « L’ Hermine » est une belle romance qui ne se ridiculise pas à entrer dans la comédie la plus grotesque pour satisfaire les spectateurs qui s’ennuieraient. Il est même difficile de s’ennuyer, car la caméra poursuit non pas seulement le juge et sa réputation aux deux chiffres, mais aussi les autres membres présents dans le tribunal à ce moment propice. Le montage est un pur travail d’orfèvre, réussi et bien finalisé. Les dés semblaient lancés dès le départ contre le mâle qui a soi-disant abattu sa propre fille à coup de Rangers. « Je n’ai pas tué ma fille », s’éperdue t’il à dire au comité poseur de questions. Intervient alors l’Amour, placée telle une allégorie, sous la doucereuse voix de Knudsen. Luchini et elle se complètent avec grand talent, dansant sur le fil aiguisé des répliques lancées avec peu de voix mais beaucoup de volonté. Aimer. Implacable sentiment qui prend à la gorge un être d’habitude affairé à juger les autres sur des preuves et des faits. Un être fatigué par une grippe, soudaine fièvre de douleur qui s’est installée en toute précipitation. Visage livide, Luchini sidère, impressionne, aidé par une mise en scène qui nous laisse analyser sans trop s’appuyer. Le problème de l’oeuvre n’est pas contenu dans les relations mises en chantier sous l’angle d’une caméra pas assez créative, c’est que le tout manque douloureusement de caractère, certes la caméra ne nous laisse pas nous ennuyer, elle n’est juste pas assez déterminée, persuasive et laisse trop ses personnages en suspens. Comme le serait un trou noir laissant baigner des acteurs qui, vu qu’ils sont bons, plongeraient tête la première sans se soucier d’un scénario décevant car pas assez maîtrisé. Au moins n’y a t’il pas une empathie balancée bêtement sur le papier, comme dans la plupart des mauvais drames français d’aujourd’hui. Une musique qui revient en intonation, assez barbante. On est juste présents, au final, pour les excellentes interprétations des deux acteurs principaux, voire des rôles secondaires. On reste donc sur notre faim car au final, « L’ Hermine » ne s’impose que grâce à un casting de qualité… Dommage.