Christian Vincent affiche en trente ans de carrière une filmographie relativement marquée par la comédie, du moins pour les films les plus récents. Catherine Frot et Jean d’Ormesson se donnaient la réplique en 2012 à l’Élysée dans un conte culinaire, Les saveurs du Palais . En 2006 c’est Isabelle Carré et José Garcia formant un couple machiavélique qui squattaient les palaces de la côte d’Azur dans Quatre étoiles et en 2004, dans Les Enfants, Karin Viard et Gérard Lanvin se perdaient dans les affres mouvementés d’un foyer recomposé…
Avec L’HERMINE, Vincent change de registre et choisit un thème beaucoup plus dramatique. Il nous ouvre les coulisses d’un procès en cours d’assise, coté cours et jurés sous le joug d’un grand Fabrice Luchini. Il n’abandonne pour autant pas son goût d’un cinéma « vraisemblable » et extrêmement documenté en conservant son dispositif de prédilection : l’immersion dans un microcosme socioprofessionnel dont il mesure les conséquences émotionnelles à travers la figure d’un couple. Il y a donc dans L’HERMINE deux histoires imbriquées l’une dans l’autre dont le but rapidement affiché est qu’elles se fondent, s’influencent et créent l’émotion. Malheureusement le film souffre d’une certaine irrégularité de l’écriture et d’un manque de « liant » entre les deux intrigues. Il y a d’un côté le « portrait »d’un procès en cours d’assise et de l’autre la romance.
À l’étape de la préparation le réalisateur avait assisté à deux procès au tribunal de Bobigny afin de livrer le film le plus « juste » possible. Pari hautement réussi! L’HERMINE restitue avec perfection l’essence de la vie des assises et de ses acteurs dans une mise en scène extrêmement précise et détaillée. De la nominations des jurés, aux déjeuners au bistrot ou aux délibérations , nous sommes témoins des vicissitudes d’un procès vécu de l’intérieur. Le président qui détend son cou avant de rentrer dans l’arène, les coups de fils incessants de l’avocat de la défense , les allers et venus des spectateurs qui troublent les témoignages à la barre…La restitution des cinq jours de procès est tout bonnement passionnante et on peut le dire, brillante ! On oublie qu’il s’agit d’un scénario et de comédiens, on se pense être devant la diffusion d’un procès réel et en direct. La grande force de ces séquences relève en effet d’une écriture particulièrement aboutie et d’une superbe mise en scène, mais ce n’est pas tout, c’est remarquablement bien joué. Quels acteurs, et quelle direction d’acteurs! Fabrice Luchini dans sa robe de magistrat confirme sa maestria mais se sont les seconds rôles qui sont particulièrement bluffants. Jurés, avocats , accusés, tous sont intenses, vrais… Parfaitement naturels. Cette partie du film ne contient aucune fausse note, c’est une belle performance !
Le film aurait pu n’être que cela, la restitution d’un procès vu en coulisse, et il aurait laissé l’idée d’un film fort et parfaitement maîtrisé. Mais il y a l’histoire d’amour… L’arrivée soudaine d’un lien du cœur pour le juge austère et froid dont on devine qu’il va l’emmener vers plus de clémence…. Une sorte de renaissance de l’empathie, de réveil d’une compassion qui se serait enfouit. Au contact de la douceur de infirmière rencontrée des années avant, le rigoureux juge s’adoucirait et accéderait à la bienveillance des âmes tendres… L’idée, bien qu’un peu attendue, n’est pas mauvaise mais pour autant on ne parvient pas du tout à entrer dans cette dimension du récit qui ne trouve pas véritablement sa place. Son traitement est bien trop rapide et le peu de scènes consacrées à ce sujet minimisent voire en annulent tout l’intérêt! On assiste à quelques séquences de dialogues relativement plat. Et pour preuve du manque de maîtrise de cette sous histoire, il a été nécessaire d’intégrer des échanges de SMS et un personnage à la fonction « sous-titre » en la personne de la fille de Ditte. Elle dit à voix haute tout ce qu’il y à comprendre de cette rencontre et traduit ce qui se passe entre les deux protagonistes afin de s’assurer que le spectateur ne passe pas à coté. C’est maladroit et un peu grossier. Il n’y a pas de réel climax , on ne saisit pas l’enjeu de l’introduction de cette romance et on a une vraie sensation de parasitage du film. Est-ce l’écriture, ou peut être le temps qu’il restait au montage qui ont poussé le réalisateur à un traitement superficiel? On l’aurait voulu soit plus intense, soit juste suggérée mais elle reste un élément trop tiède qui se perd au milieu d’une première tension scénaristique parfaitement bien tenue. C’est dommage: ces scènes amènent ennui, longueurs, perplexité et gâche notre opinion générale.
Bien que dans son ensemble L’HERMINE soit un film inégal, il demeure une grande chronique judiciaire et une reconstitution bluffante d’un procès d’assise. En amoureux de Fabrice Luchini on se régale; il campe son rôle et porte le film à la perfection. Même si une fois sorti de la salle le film ne reste pas en tête, on doit lui reconnaître une justesse et une crédibilité remarquable.
Critique par Sarah, pour Le Blog du Cinéma