L’auteure de Gemma Bovery nous plonge ici dans les ruines de la Pologne, au lendemain de la Deuxième guerre mondiale. S’inspirant du journal de Madeleine Pauliac, jeune médecin de la Croix-Rouge ayant officié dans ce pays, en décembre 1945, elle nous raconte l’histoire de Bénédictines violées par des soldats de l’Armée rouge. Un sujet lourd, que la réalisatrice a su traiter sans emphase émotionnelle, en prenant une certaine distance par rapport à son sujet, usant notamment avec mesure des effets musicaux (essentiellement limités aux chants grégoriens rythmant la vie monastique) et permettant à Vincent Macaigne d’exprimer sa fantaisie empreinte de tendresse.
Anne Fontaine évoque avec beaucoup de pudeur et de dignité ces femmes confrontées, de façon inattendue et violente, à leur féminité, à leur corps. Chacune de ses héroïnes fera face à la situation à sa manière. Certaines répondront par le déni, d’autre vivront leur maternité subie comme un appel à un retour à la vie extérieur…
Les innocentes met en scène des religieuses. Il symbolise cependant le drame de toutes les femmes ayant connu le traumatisme d’un viol, un sujet auquel fait douloureusement écho l’actualité…
Le propos ne se limite toutefois pas au martyr enduré par cette communauté. Avec beaucoup d’intelligence, il n’élude pas la question de la Shoah, et l’attitude des Polonais, en particulier Catholiques, pendant la guerre.
Visuellement, ce film est porté par la subtile photographie de Caroline Champetier, qui fit ses premières armes, excusez du peu, aux côtés de Godard, Akerman, Doillon, Rivette, Jacquot, et qui officia, plus récemment, sur le tournage des Hommes et des Dieux et plusieurs films de Carax. Elle compose ici une lumière à la fois vibrante, pour les extérieurs dans la neige, et tout en clairs-obscurs, dans le style de Georges de La Tour, pour les intérieurs.
Lou de Laâge fait montre d’une grande maturité dans son rôle. Mais on retiendra surtout les interprétations des actrices polonaises, impressionnantes, spécialement Agata Buzek et Agata Kulesza.