1945 l’armée rouge « libère » la Pologne occupée par les Nazis. Les Soviétiques vont surtout mettre l’ensemble de l’Est Européen sous le joug communiste. Pas de quartier pour « les ennemis du peuple » . Les religieuses vont payer le prix fort de cette sauvagerie. Nombreux seront les couvents envahis par des brutes saoulées à la vodka. De nombreuses religieuses seront violées. La réalisatrice, Anne Fontaine (1) soulignait sur Europe 1 : « Le viol; des femmes est une arme de guerre, le viol des religieuses est une double arme de guerre, ce n’est pas seulement la femme qui est violée, mais aussi la religieuse qui est en elle ». Ces faits monstrueux ont été méconnus ou cachés depuis soixante ans, mais ils sont aussi d'actualité. Le viol de religieuses se produit aussi de nos jours dans certains pays d'Afrique ou en Haïti.
Anne Fontaine s’est inspirée du journal d’une jeune médecin de la Croix Rouge, Mathilde Pauliac.(Mathilde Beaulieu à l'écran). Cette dernière y raconte ce jour fameux où « une bonne sœur vient la voir, affolée, et lui demande de l’aide d’une manière tellement bouleversante qu’elle décide de prendre son ambulance, de traverser la forêt et de rejoindre ce couvent, complètement perdu dans les bois ».
« Les Innocentes » est un film poignant, dur, parfois désespéré qui s’illumine dans le dénouement. Ces femmes ont donné leur vie « au Divin Epoux » et se retrouvent enceintes à la suite de ces actes odieux. Leur foi résistera-t-elle à ce séisme physique, psychologique, moral et spirituel ?
Tout cela est fort bien décrit,. Les deux scénaristes (Sabrina Karine et Alice Vial) ont intelligemment campé avec les différentes religieuses, la variété des réactions : déni de réalité, cauchemar, « nuit de la foi », rupture mais aussi l’accueil progressif de ces vies naissantes.
Nous assistons aussi à ce dilemme entre l’obéissance à la règle, la fidélité aux vœux monastiques et la situation endurée. Une religieuse a cette parole terrible : « la foi c'est’ vingt quatre heures de doute et une minute d’espérance ».
Un détail montre le soin apporté par la réalisatrice : Anne Fontaine a fait deux retraites au sein d'un couvent de religieuses Bénédictines Avec les soeurs qui l'ont accueillie elle a pu échanger longuement sur le sujet de son film.
Quelques réserves nèanmoins :
La Mère Supérieure incarne avec beaucoup de sévérité cette soumission à la règle. Le comportement qu’elle aura à la fin du film m’est apparu invraisemblable. J’ai d’ailleurs demandé à Anne Fontaine, si ce détail était tiré du journal ou pure fiction. A suivre.
D'autre part, le regard porté sur la vie religieuse Bénédictine semble plus celui d'une athèe ou d'une agnostique que d'une croyante. La description des soeurs est tout de même sévère, entre psychorigidité, enfermement névrotique ou vocation forcée... Il est vrai que nous sommes en Pologne, en 1945. Mais en forçant le trait cela m'a rappelé les outrances de "Philoména" le film de Stephen Frears.
A côté de ces durs combats intérieurs, le film nous montre aussi la confrontation de ces mondes si différents entre la jeune médecin athée (Lou de Laâge), son collègue juif et les religieuses.
Le film est très écrit. J’ai trouvé le milieu un peu long, mais à la réflexion c’est sans doute nécessaire pour nous faire ressentir la prégnance et l’horreur de cette situation.
Côté casting, la distribution est parfaite. Lou de Laâge est très adaptée à son rôle avec ce mélange de pureté, de sensualité discrète et de mystère.
Les religieuses sont aussi très bien interprétées. Toutes sont de vrais personnages, avec leurs caractères et leur histoire personnelle.
A réserver aux adultes et aux grands adolescents, car c’est très dur.
LA VERITE sur le film
Mise à jour le 22 février 2016
Dans mon commentaire sur "Les Innocentes, film de Anne Fontaine " je m’interrogeais sur l’historicité d’un certain nombre de séquences, notamment celle du choix aberrant (pour moi) fait par la mère supérieure à la fin du film.
Une des scénaristes du film m’a répondu sur mon blog. Contrairement à ce que la presse et tous les médias, ont trop facilement écrit, tout cela est du roman inventé pour les besoins du scénario. En effet l’équipe du film a dit s’être basé sur le journal de Mathilde Pauliac : "…une bonne sœur vient la voir, affolée, et lui demande de l’aide d’une manière tellement bouleversante qu’elle décide de prendre son ambulance, de traverser la forêt et de rejoindre ce couvent, complètement perdu dans les bois."
Par contre il n’avait jamais été précisé que le film s’était basé sur autre chose que sur ces quelques lignes écrites par Mathilde.
Cela n’a rien de scandaleux, c’est du cinéma.
C’est aussi rassurant, car avec l’horreur de ce fait historique du viol de religieuses, une telle peinture de la vocation religieuse bénédictine, c’était vraiment la double peine.
Soyons nombreux à restituer la vérité historique qui lave le doute que l’ont pouvait avoir sur la moralité et la santé mentale de ces religieuses. C’est une œuvre de mémoire et de salubrité publique.
1) Gemma Bovary et Perfect Mothers