Le plus beau film du moment. On rend grâce à Anne Fontaine, qui nous avait habitués à un cinéma plus musqué, plus hard.... d'avoir traité avec autant de subtilité et de délicatesse cette histoire..... vraie.... et tout aussi délirante que celles qui, dans ce blog, l'ont précédé. Je pense cependant qu'à partir d'une trame (les carnets d'une jeune médecin de la Croix-Rouge, Mathilde Pouliac), Anne Fontaine a eu beaucoup plus de latitude pour "broder" que Trapero avec sa petite famille Puccio....
Un couvent de Bénédictines occupé par une trentaine de sœurs, en Pologne, à la libération, dans une zone contrôlée par les Français et par les Russes. Les Russes? Ils sont déjà passés au couvent. Trois fois. Et à chaque fois, ils ont violé tout le monde, les jeunes comme les vieilles, enfin il y avait beaucoup de jeunes, et plusieurs novices. Et, neuf mois plus tard.... ce sont huit bébés qui s'annoncent, dans le désespoir et la honte. Une jeune religieuse sort secrètement demander de l'aide, chercher un médecin pour une Sœur qui va accoucher et qui souffre, surtout pas un Russe, surtout pas un Polonais, donc un Français, et c'est comme cela qu'elle rencontre Mathilde (l'épatante Lou de Laage), Mathilde pleine de vie et qui n'a peur de rien, fille de communistes et athée joyeuse toujours prête à barouder. Qui s'est même trouvé un amoureux, le médecin qu'elle assiste, Samuel, un grand nounours juif (toute sa famille a disparu dans les camps) et balourd (Vincent Macaigne).
Elle va donc secrètement aider le couvent, de nuit (naturellement les Français de la Croix Rouge sont là pour récupérer leurs blessés et non pour soigner la population civile), prenant des risques car les brutes russes sont toujours présentes. Les premiers contacts sont difficiles; les Sœurs sont les épouses du Seigneur; on ne doit ni les toucher ni voir leur corps. Elles ont honte, elles se sentent coupables -alors que ce sont des victimes! Et puis, il y a l'hostilité de la Mère supérieure (magnifique Agata Kulesza qu'on a connu dans Ida dans un registre bien différent). La Supérieure est obsédée par l'idée de protéger SON couvent; d'éviter le déshonneur qui frapperait SES filles si cela venait à se savoir. Elle ne veut donc pas de l'étrangère. Et ne l'accepte qu'à regret. Et la rigidité de sa pensée va l'entrainer dans une voie délirante.
Heureusement il y a Sœur Maria (Agata Buzek) qui, elle, a vécu, qui a connu un homme avant d'entrer au couvent et pour qui le traumatisme a été moins violent. Sœur Maria qui parle français et sert donc d'interprète. Qui parle de sa foi profonde aussi, quelques minutes de bonheur au milieu d'un océan de doutes. Au fil des jours, grâce à Maria, une relation faite de confiance et de compréhension mutuelle va donc se tisser entre Mathilde et les Sœurs, et c'est cela qu'Anne Fontaine nous fait ressentir d'une façon intelligente, subtile, et respectueuse.
C'est une belle histoire, c'est une merveilleuse histoire et si son dénouement ne vous tire pas une petite larme, c'est que vous n'êtes qu'une brute...
Le viol est une arme de guerre. Le vainqueur viole, non seulement pour satisfaire ses besoins sexuels, mais surtout parce qu'en humiliant les femmes on est doublement vainqueur. Combien de femmes sont violées, en ce moment, dans les conflits en Afrique centrale et ailleurs?
Le viol est, dans tous les pays civilisés (et même ceux qui refusent l'avortement pour convenance personnelle), une raison suffisante pour obtenir un arrêt de grossesse. Et pourtant, Anne Fontaine ose nous montrer, et ça c'est assez culotté je trouve, que ces jeunes femmes blessées au plus profond de leur pudeur et de leur foi, lorsqu'elles prennent dans leurs bras ces nouveaux nés si désarmés, si fragiles, tellement en attente d'amour pour survivre, il ne leur reste plus qu'un sentiment d'émerveillement et de bonheur.
Un très, très beau film à ne rater sous aucun prétexte!