Depuis quelques années (après le succès de La Môme, à vrai dire), on ne fait que voir sortir en salles des biopics (films biographiques). Pour preuve, cette année 2013, en à peine 6 mois, nous avions eu droit à plus de trois longs-métrages répondant à cette classification (Jobs, Diana, Mandela – Un long chemin vers la liberté…). Et pourtant, ces films ne datent pas d’hier ! Même si, il faut bien l’avouer, nous n’en avions pas autant avant. Mais au moins, ces films avaient suffisamment de temps pour être peaufinés et travaillés dans les règles de l’art. Surtout quand ils ont à leur tête un réalisateur de renommée !
Ici, nous parlons du cinéaste Miloš Forman, à qui nous devons les incontournables Vol au-dessus d’un nid de coucou, Hair et Amadeus. Un metteur en scène reconnu qui a décidé ici de raconter la vie du comique incompris qu’était Andy Kaufman. Un comédien humoristique lancé par la sitcom Taxi qui, méprisant les blagues et rejetant l’idée d’être un comique, pratiquait ne sorte d’anti-humour (ou d’humour absurde et surréaliste pour certain). Des coups montés, des plaisanteries en somme. Au point que pour la plupart du temps, les gens ne savaient que faire devant les pitreries de ce véritable extra-terrestre (s’il fallait rire ou huer). Des mauvaises blagues qui se réalisaient sous la forme d’une lecture intégrale de Gatsby le Magnifique durant un spectacle. Ou bien de descendre la série qui l’avait pourtant lancée. S’attirant la foudre de bien des gens ainsi que le manque de confiance. À tel point que beaucoup s’étaient demandés si son cancer des poumons (qui lui sera fatal) n’était pas encore une de ses histoires. Même à sa mort, certains disaient l’avoir simuler pour disparaître, c’est pour dire !
Et comment raconter l’histoire d’un tel personnage ? Faire comme tout biopic qui se respecte ? C’est-à-dire partir de l’enfance du héros, montrer les moments les plus importants de sa vie, et ce jusqu’à son décès ? Détrompez-vous, Man on the Moon n’est pas ce genre de film biographique ! Et je changerai ma phrase par « Un metteur en scène reconnu qui a décidé ici de raconter la CARRIERE du comique incompris qu’était Andy Kaufman ». Bien que le film passe par l’enfance du comédien, il ne s’y attarde pourtant qu’à peine 5 minutes. Le reste du film ne mettant qu’en avant le parcours et les différents canulars du bonhomme. Sans s’arrêter sur sa vie familiale ou quoique ce soit d’autre. Ainsi, l’histoire d’amour avec ce qui était pour lui une simple spectatrice, les rapports avec ses parents, son amitié en détails avec son acolyte Bob Zmuda et son impresario George Shapiro passent littéralement à la trappe. Est-ce une mauvaise chose pour autant ?
Si le film parlait d’une autre personne, sans doute. Mais là, il reflète la personnalité d’Andy Kaufman. Essayant de faire la lumière sur l’homme qui l’était à travers ce qu’il faisait et non ce qu’il vivait. En effet, raconter la vie d’une personne, en passant par les histoires d’amour et d’amitié, est d’une banalité affligeante ! Rendant chaque biopic qui existe de simples divertissements qui ne reposent que sur les épaules de l’acteur principal. Avec Man on the Moon, nous ne somme pas en territoire connu ! Certains n’y verront qu’un enchaînement de sketches pour un film sans âme. Alors que nous avons là le film idéal pour un tel personnage. Qui exprime le doute sur la popularité de Kaufman (considéré à la fois comme un génie, un simple provocateur et un fou, et ce même parmi ses proches). Qui nous fait hésiter à prendre certains points scénaristiques au sérieux (même l’annonce de son cancer peut être prise, pendant quelques minutes, pour une blague).
Miloš Forman ne cherche pas à raconter qui était Kaufman. Son film pouvant être vu lui aussi comme une blague intégrale (il n’y a qu’à voir le début, où le personnage s’adresse à nous avec son humour bien à lui, assurant que c’est son histoire mais que le tout a été arrangé pour paraître divertissant) qui conserve le doute jusqu’au bout (la dernière scène peut faire croire ou apprendre que Kaufman n’est finalement pas mort). Montrant qu’il n’y pas besoin de tout un scénario pour révéler l’homme derrière la célébrité. Que les gestes de celui-ci, que les images se suffisent amplement à eux-mêmes. Quitte à déboussoler des spectateurs habitués à une forme beaucoup plus classique de biopics.
Et si la trame du film n’arrive pas à vous convaincre, le talent de Jim Carrey saura vous persuader. Et pour cause, le comique déjanté qu’il est (Ace Ventura, The Mask, Dumb & Dumber, Menteur, menteur…) offre sa gestuelle et ses mimiques au personnage de Kaufman sans pour autant oublier de lui donner du corps. Andy Kaufman a beau être un cinglé, Carrey arrive néanmoins à le rendre attachant, prouvant qu’il que le comédien sait faire autre que du grand n’importe quoi. Du coup, il prend aussitôt la tête du casting, laissant sur le banc de touche tous ses petit camarades (Danny DeVito, Courtney Love, Paul Giamatti…), pourtant excellents eux-aussi.
Vous l’aurez compris : Man on the Moon est un film atypique pour une personnalité qui ne l’était pas moins ! Un biopic qui bouscule tous les codes du genre, offrant une nouvelle façon d’entrer dans les coulisses d’une personnalité. Certains spectateurs se perdront en chemin, cela ne fait pas l’ombre d’un doute ! Mais s’il faut choisir entre un OVNI (Objet Vidéo Non Identifié) grandement réussit et un banal biopic qui ressemble scénaristiquement à un autre (ne changeant que de personnalités), autant se lancer dans le bizarre. Pour se rendre compte que le résultat n’en est que bien meilleur !