Une ode aux fracassés de la vie, tout en finesse et interprétée avec envie. On suit le quotidien d'un homme qui, après la perte de son frère, doit recueillir son neveu et gérer au mieux le deuil de ce dernier, tandis que lui-même semble ne rien éprouver (mais "semble" seulement). On apprendra au fil des flashbacks tous les obstacles atroces qu'a enduré ce pauvre hère, qui à présent se protège des sentiments en affichant un flegme qui est confondu avec de l'insensibilité. Ceux des spectateurs qui auront trouvé ce personnage principal "ennuyeux comme la pluie" ou "antipathique", auront simplement eu la chance de n'avoir jamais été au fond du trou, et la chance de ne pas comprendre ce portrait criant de vérité, qui réponds "je m'en fous" à tout, que plus rien n'intéresse et dont les journées semblent interminables. Tant mieux pour ces veinards, nous, on été très émus. Ce scénario de Matt Damon et John Krasinski a été très peu retravaillé par le réalisateur Kenneth Lonergan, le trouvant déjà très juste et percutant, et a su trouver le bon ton pour dépeindre un quotidien attristant (le filtre gris, le rythme indolent qui se prête bien au personnage principal, la musique douce...) sans toutefois perdre de vue ce que Manchester by the Sea veut nous dire : un beau message de résilience. Trouver en de toutes petites choses (la cohabitation, normalement temporaire, de l'oncle et du neveu) la force de surmonter les plus épouvantables épreuves de la vie, et surtout trouver la force de soutenir plus "fracassé" que soi. Car, c'est bien toute la puissance du récit : les deux personnages qui s'entraident sont deux dépressifs, qui essaient chacun de sortir l'autre de sa détresse en la comprenant parfaitement. Plusieurs éléments nous ont retourné le cœur, à commencer par la justesse impressionnante de Casey Affleck et Lucas Hedges, des scènes-chocs qui ont été très dures à tourner (
la maison en feu
a été une scène repoussée par crainte jusqu'au bout du tournage, et fut une scène très éprouvante pour l'ensemble des acteurs) et encore plus à voir (cette même scène, qui nous a fait retenir un souffle), d'autres dont on comprend la détresse sans savoir ce qui la provoque (la scène des poulets qui tombent du congélateur, on a longtemps compati à la douleur du jeune homme, avant de comprendre ce qu'il se passait...). Manchester by the Sea percute tout en douceur, crie une vérité taboue, et donne à ses personnages le pouvoir de se relever ensemble. Beaucoup d'émotions, et de compassion.