Manchester est un petit port de pêche de la côte Est des Etats-Unis, pas très loin de Boston. C'est dans la banlieue de cette métropole qu'est venu se réfugier Lee, après la tragédie absolue qu'il a vécue et dont il se sent atrocement responsable. Son couple s'est brisé et il vit maintenant seul, bougon, impoli, homme à tout faire d'une cité d'immeubles.
Au début du film, son frère meurt en le désignant tuteur de son jeune fils. Voilà donc Lee de retour au bord de la mer, retrouvant sa belle-sœur divorcée qui a refait sa vie avec un catholique intégriste, auprès desquels le jeune Patrick ne se sent guère à l'aise, et son ex-épouse qui, dans une scène bouleversante, le supplie d'oublier les paroles horribles qu'elle lui a adressées au moment de la tragédie.
Comme on est dans un récit réaliste, profondément vrai et humain, rien ne se passera tout à fait comme prévu. Le neveu poursuit sa complicité tendre d'autrefois avec son oncle, du temps des jours heureux et des parties de pêche: comme il a grandi, il le charge à présent de le conduire en voiture à ses nombreux rendez-vous amoureux, - en échange, le jeune homme ménage des rencontres entre son tuteur désigné, rétif aux plaisirs de l'existence, et les mères de ses copines. Mais Lee paraît désormais imperméable à tout sentiment, tout contact humain: il ne peut reporter son amour mort sur qui que ce soit. De son côté, l'adolescent, pas toujours malléable, refuse de suivre son oncle à Boston, ce qui le contraindrait à quitter ses ami(e)s, sa vie.
Casey Affleck est extraordinaire de justesse et d'émotion; sa voix, son immobilité rocheuse et ses soudains éclats de violence donnent l'image de cet homme à jamais abattu, désormais incapable de goûter la vie. Quant à la douleur de Michelle Williams, elle transperce le cœur du spectateur le plus endurci et le jeune Lucas Hedges ne sombre pas dans les clichés de l'adolescent pénible par son indifférence au sort des adultes.
Une histoire touchante bien racontée, une photographie hivernale sans fioritures, des acteurs parfaits: n'est-ce pas ce que l'on appelle un bon film?