"L’emprise", est inspiré du roman "Acquittée" d’Alexandra Lange, qui n’a fait que parler de sa propre histoire. Produit exclusivement pour la télévision pour parler d’une histoire vraie, "L’emprise" était promis à un vif succès d’audience, et ce fut le cas en emportant le tiers de l’audience en ce 26 janvier 2015. Ce succès, ce téléfilm le doit d’abord au sujet, d’une part grave mais hélas pas toujours pris en compte par la société à tous les étages, d’autre part révoltant et pourtant encore tabou. Mais ce succès est dû aussi à la distribution totalement atypique, ainsi qu’à une bande-annonce réussie. Voilà pour l’aspect attractif. Pour ce qui est du contenu, eh bien il faut reconnaître que le déroulé suscite bien des émotions. Pour moi, la gente féminine étant des plus sacrées, la trame du film m’a plongé dans un état de révolte de plus en plus grandissant. "L’emprise" fut pour moi une épreuve émotionnelle, bien que je considère qu’il manque des scènes-choc, ne serait-ce que pour faire bouger les mentalités et augmenter la prise de conscience. Traiter un sujet aussi tabou est courageux et tout à fait louable. Mes vives émotions sont également dues à la prestation éblouissante des acteurs, et je vais commencer bien sûr par celle d’Odile Vuillemin, qui bénéficie du rôle central. Elle s’en sort à merveille en nous faisant ressentir avec justesse cette détresse qui l’inonde au fur et à mesure que le film avance. Nous ressentons toujours de plus en plus cette emprise qui l’emprisonne toujours un peu plus. Cela dit, le rôle le plus difficile revient à Fred Testot, surprenant dans ce rôle dramatique, à des années lumières en tout cas de ces pitreries du SAV des émissions. Frapper (pardon) tabasser sa femme avec toujours plus de force, est j’imagine difficile, même quand il s’agit de faire semblant pour les besoins d’un tournage, car il faut être convaincant. Et il EST convaincant, même si je regrette parfois le manque de scènes violentes. Ce n’est pas par sadisme, mais pour les raisons citées plus haut. Cela dit, Fred Testot est éblouissant, en étant cynique et machiavélique à souhait, d’une dureté à toute épreuve, tout en sachant montrer un caractère à multiples facettes pour arriver à ses fins. Ensuite je terminerai par la prestation de Marc Lavoine, véritablement parfait dans le rôle de l’avocat général. Son visage naturellement dur colle bien au personnage qui ne fait pas de cadeau aux criminels placés face à lui. Et pourtant on voit bien cette façade de fer se fissurer quand l’accusée raconte son histoire. On pourrait prendre cela pour de l’étonnement mal caché, personnellement je le vois plus comme de l’incrédulité mal dissimulée. Cependant il va continuer à se montrer inflexible, et ne se laisse pas attendrir par les mots en aparté de la juge Schneider (Micky Sebastian). Aussi la chute de l’histoire n’en est rendue que plus magnifique. La musique (très bonne création de Frédéric Porte) accompagne merveilleusement bien le film, notamment lors de la présentation des chiffres officiels quant à la violence conjugale, horribles en eux-mêmes. Proche du chef d’œuvre, "L’emprise" est une excellente réalisation de Claude-Michel Rome, en s’attachant à ne montrer que les séquences où Alexandra Lange est présente puisque c’est elle qui raconte son histoire, sauf celles où le juge et le procureur débattent de l’affaire, histoire d’humaniser un peu ces corps de métier. Cela dit Claude-Michel Rome saura, avec une relative pudeur, nous dégoûter quant à cette violence totalement dévastatrice, quant à la sous-estimation de l’urgence de la situation par les forces de l’ordre et les structures d’aide, et quant à l’incompétence révélée par l’assistante sociale. Tout en étant immersif, il a réussi à garder suffisamment de recul pour que le spectateur réfléchisse. Plus qu’un téléfilm, c’est un réquisitoire à voir, à découvrir, et que j’espère voir rediffusé dans les années à venir de façon à toucher un public le plus large possible, car cette histoire n’arrive pas qu’aux autres. Le film porte très bien son titre et ne révèle pas la fin comme le roman. Mais attention : le film est déconseillé aux moins de 12 ans.