C’est un film somptueux que nous offre Park Chan-Wook avec Mademoiselle…film qui lui a valu le Prix Vulcain au dernier Festival de Cannes, prix qui se veut récompenser un artiste technicien , un directeur de la photographie, un chef décorateur, un monteur, mais aussi un réalisateur pour l‘ensemble des qualités plastiques et techniques de son film…en couronnant Mademoiselle, ce sont peut être tous les techniciens qui sont récompensés , le directeur de la photographie, Chung-Hoon Chung, tant ses images sont sublimes, celles de ce manoir étrange mi-japonais , mi-anglais, ce parc aux cerisiers en fleurs, ces intérieurs chargés ou dépouillés selon que l’on se place dans la partie japonaise ou anglaise…que l’on doit au chef décorateur Ryu Seong-Hee…ou tout autant au chef costumier Sang-Kyung Cho pour la richesse des costumes…pendant prés de deux heures et demie, on baigne dans une atmosphère irréelle se laissant bercer par une histoire dont on perd vite le fil…c’est un film à tiroir, un vertige de faux semblants où le manipulateur est lui-même manipulé, où les plans d’une première partie sont repris dans une seconde partie avec un sens tout à fait différent…certes au début on comprend que la jeune Sookee, pickpocket de haut vol est envoyée par le faux Comte, chef de bande, au service de Mademoiselle pour nourrir ses desseins, l’épouser et mettre la main sur son immense fortune…certes on comprend que Mademoiselle, Hideko, est plus ou moins séquestrée par son oncle, Kousiki, sorte de Barbe Bleu à la langue noire à force de lécher l’encre de ses estampes japonaises, vieux pervers amateur du marquis de Sade , dont il fait lire des extraits par sa nièce lors de soirées où il invite des compères tout aussi pervertis….mais tout se brouille, les rapports de domination entre maitres et serviteurs sont vite renversés, le sexe est évoqué comme toxique pour les hommes, avant de s’épanouir dans cette attirance érotique entre servante et maitresse et exploser dans une scène qui n’a rien à envier à la Vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche… c’est un film clivant…lors de la séance à laquelle j’étais, plusieurs spectateurs ont quitté la salle, et l’on a vite entendu des soupirs excédés de certaines spectatrices devant la répétition de certaines scènes…Mademoiselle, conte ludique parfois vénéneux et sulfureux, est vraiment d’une beauté à couper le souffle, tout autant que les deux actrices …autant dire que j’ai beaucoup aimé…