Un téléfilm tout en sobriété et sans réel suspense, dans lequel le charisme et le talent d’Emmanuelle Devos éclabousse tout le métrage. Elle campe avec beaucoup de réalisme une femme froide en apparence, à la stature rigide et austère, aussi droite que pouvait l’être Alfred Hithcock, avec cette tête bien dressée sur les épaules et le menton légèrement relevé, et que rien ne semblait pouvoir faire plier. Le reste du casting est très bon, notamment Bernard Menez dans la peau d’Eugène Claudius-Petit, qui nous servira un discours éloquent dans l’hémicycle. "La loi" retrace donc le vote et l’adoption de la "Loi Veil", laquelle légalise l’interruption volontaire de grossesse. Il ne reconstitue en aucun cas sa vie, bien que cette dernière soit évoquée dans les grandes lignes. Je pense qu’il était effectivement intéressant de faire un petit rappel sur le droit des femmes, c’est-à-dire celui de disposer de son corps, sous le logique couvert de la santé publique. Il était temps de reconnaître les femmes comme des êtres humains à part entière, et non comme des machines à reproduire, à faire le ménage, à être enfermées dans les cuisines pour préparer la popote, et à écarter les cuisses dès que monsieur en avait envie. La sobriété de la réalisation me laisse cependant un goût d’inachevé : tout me parait survolé et sans âme, et je pense sincèrement que le film aurait mérité quelques bonnes dizaines de minutes pour approfondir un peu plus le propos, le contexte, et la psychologie des personnages. Car l’argumentation de Simone Veil qui nous est proposée ici ne se limite qu’à un seul et unique discours, à l’ouverture des trois jours de discussions au Parlement. Pour quelqu’un qui voulait faire aboutir quoi qu’il arrive cette loi, ça me parait un peu juste. Mais peut-être que ça s’est passé comme ça. Je ne sais pas. Quoiqu’il en soit, il manque les joutes verbales que chacun de nous savons les politiciens capables. Certes, il y en a quelques-unes, et elles sont d’une violence extrême, comme le souligne Simone Veil à travers une réplique. Mais quand bien même, pour défendre son cheval de bataille, on ne la sent pas se battre bec et ongles devant cette assemblée. Pire : elle présente son projet dans un silence de cathédrale et parvient même à soulever un tonnerre d’applaudissements. Je doute qu’elle ait fait ce discours dans le silence absolu, notamment sur un sujet aussi controversé. Dans les heures, les jours qui ont suivis, on a droit à des propos choquants, comme le déplacement du débat sur les soi-disants risques du déséquilibre démographique. La classe politique peut être si… pathétique. Et dire que ces gens-là sont censés avoir fait l’E.N.A. … Mais si on lit cet acronyme à l’envers, force est de constater que le politicard est très capable de se comporter comme un A.N.E., et il faut avouer qu’il est souvent très fort en ce domaine. Et parmi tant d’autres propos choquants véritables symptômes d’un pays pas encore guéri de la nature de la Seconde Guerre Mondiale, que dire de cet enregistrement de monitoring ? Voilà un argument choquant, visant à prouver qu’il y a de la vie avant même la naissance. Oui, c’est vrai, mais la vie commence avant même la procréation. Alors comme le demandait Roland Magdane dans un de ses sketchs, si l’avortement est un meurtre, un homme qui se masturbe, c’est quoi ? Un génocide ? Tout cela pour dire que je n’ai pas eu la sensation que le projet n’a pas été défendu tant que cela avec de vrais arguments, mais seulement à travers des alliances politiques où chacun n’y voit que son intérêt électoral, de popularité, et donc de carrière. Quant aux débats menés dans l’hémicycle, on entraperçoit le cirque que c’est, et vous en aurez un plus large aperçu en regardant France 3 les mardi et mercredi après-midi à 15h00. Il est effarant de voir à quel point les personnalités censées être représentatives du peuple peuvent être irrespectueuses et plus puériles encore que des enfants. Une vraie cour de récréation. Et encore... Donc, mis à part la prestation d’Emmanuelle Devos, et bien que ce film en donne un aperçu, "La loi" n’est pas suffisamment représentatif du panier de crabes qu’est le monde politique, lequel inspire un profond dégoût qui pousse les citoyens à bouder toujours de plus en plus les isoloirs. Ce que j’en retiens, ce n’est pas la sacralisation de Simone Veil, mais une photographie sur le déroulement du vote d’une loi, de sa loi, sans aucune représentativité du peuple, faut-il le préciser. Mais de ce côté-là, je pense que nous n’apprenons pas grand-chose… exceptée la façon dont est arrivée cette nouvelle avancée notable dans la condition des femmes, près de 30 ans après le droit de vote.