Mon prof de psycho m'avait vendu The Prison Experiment comme le film le plus fidèle à l'expérience de Stanford, aussi dite de Zimbardo. Face à ses concurrents allemand et américain, l'un étant un délire ultra-violent, tandis que l'autre tendait déjà plus vers des concepts sociologiques, celui-ci est sûrement le plus intéressant à décrypter, tant il affiche, par sa reproduction soignée de l'expérience et de la thèse amenée, toute la profondeur et la complexité du travail de Zimbardo.
Notamment en ce qui concerne les rapports humains : gardes et prisonniers, moins caricaturaux qu'auparavant, ne sont plus seulement poussés par des comportements extrêmes et manichéens, ne seront plus ni méchants ni gentils, et se qualifieront seulement comme les sujets d'une expérience terrible, arborant tous, à un moment de l'histoire, le statut de victime. Prisonniers victimes des gardes, gardes victimes du pouvoir, et Zimbardo de son égo comme de sa détermination à tout finir, quitte à sacrifier et son couple, et sa santé mentale.
Le tableau, retranscrit avec un grand savoir faire, est glaçant : car si l'action sera finalement peu présente, c'est par la psychologie que son réalisateur, le peu expérimenté Kyle Patrick Alvarez, décidera de nous dévoiler la violence de l'expérience et de l'homme à qui l'on confie le pouvoir, et qui se sent alors comme Dieu sur Terre, comme supérieur de ses égaux. C'est par sa sobriété qu'il atteint justesse et pertinence, épargnant à son spectateur le divertissement déjà bien répété par les deux précédentes versions, ultra-violentes et portées sur l'humiliation irréaliste, quitte à se poser le cul entre deux chaises, à ne pas savoir, comme le remake, s'il valait mieux opter pour l'action ou le ton posé du film d'auteur réflexif.
The Prison Experiment, dans sa recherche de réalisme et de justesse de propos, évite les travers de ses ainés pour en trouver de nouveaux certes, à la différence qu'il nous apporte une reproduction suffisamment travaillée et soignée pour éviter qu'on se penche trop dessus. On pourrait lui reprocher son évident manque de rythme, l'absence de graduation dans le ressenti du spectateur au sujet des punitions allant crescendo, ou même sa conclusion qui tombe un peu rapidement, comme on pourrait l'encenser pour la beauté de ses plans et le travail sur les décors (pourtant très simple, tant ils s'apparentent à une pièce de théâtre) et les costumes.
On pourrait donc vanter l'évident sens du cadrage de son réalisateur, et la beauté de la photographie, qui parvient à maintenir un degrés de stress permanent sans pour autant nous fournir de véritable action : il y arrive en jouant sur ses dialogues, en s'appuyant sur le talent de ses acteurs (aucun n'étant une tête d'affiche, on s'attache finalement à tout le monde), et l'accoutrement de ses personnages.
Le non-verbal y trouve une importance particulière, tout autant que ces passages avec Zimbardo appuieront le côté dramatique de l'expérience, qui va jusqu'à changer le comportement de son initiateur. On en ressort avec une drôle d'impression, celle d'avoir pris une sorte de claque vicieuse, qui frappe d'autant plus fort qu'elle met son temps à trouver la joue. Très bon, L'Expérience de Stanford jouit d'une maîtrise certaine, et nous offre, après deux essais purement romancés, un film certes libre dans sa manière de conter l'histoire, mais enfin proche de ce que pouvait représenter l'expérience de Zimbardo. Une trilogie à voir en la mettant en relation avec Experimenter, film sur la vie de Milgram, élément inspirant de Zimbardo pour la mise au point de sa thèse sur le rapport de l'homme à l'autorité.