J. J. Abrams à réussi à surprendre tout le monde en annonçant un de ses petites productions deux mois avant sa sortie, et qui en plus ferait office de semi-suite au Cloverfield de Matt Reeves, film aujourd'hui devenu culte. Comme son aîné, un véritable aura de mystère entoure le projet et est là pour venir brouiller les pistes. Que ce soit dans le titre, le changement de procédé de mise en scène et etc, tout nous fait demander si on aura affaire à un film connecté à Cloverfield ou si ce n'est qu'un procédé marketing assez douteux. En tout cas il est clair que cette méthode porte ses fruits et pique très certainement la curiosité du spectateur qui attend une suite du film de 2008 et ceux friands de voir un bon film sans pour autant s'intéresser à tout cette univers. Car oui, la principale promesse de ce film est de créer un univers autour de Cloverfield, une promesse diablement alléchante.
Prenant la forme d'un huit clos, le scénario sera quand même dans la droite lignée de celui de Cloverfield, suivant un point de vue intimiste sur un événement apocalyptique. La fin d'un monde touche d'abord l'individualité et c'est ce qu'à parfaitement compris le récit qui décide de limiter ses personnages et leurs champs d'actions pour jouer sur leurs convictions ainsi que les nôtres en tant que spectateurs. Les questions que l'on se posent sur le film, sont les mêmes que celles que ce posent les personnages sur la situation extérieur. Michelle, le personnage principal, se demande si elle à été enlevé par cet homme, Howard,e qui l'a emmené dans un bunker, si elle doit croire ou non à son histoire de fin du monde et si elle doit fuir ou non. La psychologie du personnage se montre vraiment intéressante tout comme son évolution, poussant habilement des réflexions sur le besoin de se révolter et toute les dimensions que cela implique. Esquissé astucieusement à travers son exposition et un événement de son passé, le film parle de la fuite en tant que besoin de se protéger et de ne pas affronter ses problèmes mais aussi en tant que moyen de lutte. Fuir un problème nous met généralement face à un autre. Au milieu de tout ses questionnements, la dynamique entre les trois personnages principaux se fera très accrocheuse. On ressent bien le travail de Damien Chazelle, réalisateur du puissant Whiplash, dans cet aspect de l'intrigue notamment dans la relation abusive entre Howard et Michelle ou encore les quelques pointes d'humour qui font éruption ici et là, venant principalement d'Emmett, la 3ème personne dans le bunker. Néanmoins malgré les quelques touches d'humour la tension ne s'en va jamais et crée un vrai sentiment d'insécurité, qui se montre efficace et bien géré. Palliant un peu l'aspect classique et peu originale du récit, et surtout du genre qu'est le huit clos.
Pourtant certains moments arrivent vraiment à surprendre et laisse le spectateur vraiment estomaqué, tandis que d'autres sont plus prévisibles et tombent parfois un peu dans le ridicule. En ça, la fin sera beaucoup moins maîtrisé, apportant une conclusion bien trop vite expédiée donnant un aspect forcé, caricatural et paresseux au dernier tiers du film. Même si dans l'idée, elle se montre cohérente et pourrait apporté des choses intéressantes, c'est vraiment l’exécution qui est ratée et qui vient gâcher nôtre plaisir alors que l'ensemble s'était montré impeccable jusque là. Pour ce qui est du lien avec Cloverfield, il est difficile et surtout pas conseillé de trop en révéler, étant un des gros mystères du film et il serait dommage de se le gâcher mais il n'est pas aussi inutile et malhonnête qu'on a pu le dire. Car même si il y a aussi clairement des intentions marketing, il faut reconnaître que ce lien est logique, offrant une âme commune entre les deux films, qui sont finalement liés de manière plus fine et intelligente qu'on peut le penser. Surtout que le lien direct n'est clairement pas là où on l'attends.
Le casting, majoritairement composé de trois acteurs, est excellent. Mary Elizabeth Winstead offre une performance juste, badass et totalement naturelle. Elle à clairement les épaules pour porter un film et on à très envie de la voir plus souvent en rôle principal, surtout après ça car elle se montre vraiment parfaite. John Goodman à un talent immense et on ne le présente plus, il est ici dans une de ses meilleures prestations. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas été aussi terrifiant et imposant, nuançant brillamment son personnage le rendant tout aussi menaçant qu'attachant et démontrant encore une fois qu'il est un grand acteur. John Gallagher Jr. n'est clairement pas en reste, même si moins exposé que ses deux collègues, il s'impose avec un naturel déconcertant et un talent comique indéniable, parvenant en très peu de temps à rendre son personnage très attachant et plus complexe qu'il n'y parait.
La réalisation est techniquement impeccable. Le travail sur le montage se montre même impressionnant, tant dans sa gestion magistrale du son que dans sa façon de faire durer les scènes et de faire progressivement monter la tension jusqu'à ce qu'elle atteigne un paroxysme. On reste cloué à son fauteuil avec le ventre noué et les nerfs tendus pendant plusieurs séquences habilement orchestré pour instaurer un sentiment d'imprévisibilité. Rarement un film n'a été capable de créer une telle ambiance de salle ses derniers temps, arrivant à mettre tout ses spectateurs en apnée pendant plusieurs minutes. La musique de Bear McCreary est inspirée et très prenante, accompagnant le tout à merveille et la photographie joue intelligemment des couleurs accentuant le côté claustrophobique du cadrage. La mise en scène de Dan Trachtenberg, qui signe son premier film, est aboutie, travaillant astucieusement ses plans pour y amener la surprise et entretenir un sentiment d'insécurité permanent. Il arrive souvent à déjouer les limitations du petit budget pour donner un rendu très classieux à certains scènes et renouvelle sans cesse ses idées pour amener des situations qui apporte un point de vue différent sur la situation et les personnages. Le bunker étant à l'image de Howard, tantôt chaleureux tantôt inquiétant. Même la fin qui est plus discutable dispose d'idées de mise en scène assez bien vu notamment grâce à un build up empli de tensions et de bons moments de suspense. Dommage quand même qu'elle se montre bien trop précipité et imprécise dans son exécution, allant même se munir de deux ou trois incohérences.
En conclusion 10 Cloverfield Lane est un bon film. Loin d'être un coup marketing assez honteux, il s'impose clairement comme une "semi-suite" intéressante à Cloverfield. Bien plus intelligente et subtile dans sa manière de se connecter à son aîné et de créer son "Clover-erse" que beaucoup pourraient le penser. Il fonctionne aussi par lui-même, étant un huit clos intense magnifiquement joué, bien écrit et impeccablement mis en scène. Reste que l'on sent que le projet à été un peu précipité et revu de manière maladroite par moments, ratant totalement son exécution dans une fin caricaturale et expédiée. Finalement, même si il est plus réussi et mieux écrit que son aîné, il s'avérera probablement moins marquant pour le cinéma, malgré qu'il en offre de très bon moments et se montre aussi plus intriguant pour ce qu'il pourrait amener que pour ce qu'il offre réellement