Troisième long-métrage de Na Hong-jin, le réalisateur coréen demeure dans le genre du thriller, en lui offrant une dimension horrifique dont l’atmosphère pluvieuse et macabre rappelle d’autres œuvres du genre telles que Seven et Memories of Murder.
Après son dernier film en 2010, The Murderer, Hong-jin met plus de deux ans et demi pour finaliser le scénario de The Strangers. Mais même si celui-ci renouvelle sa thématique de prédilection, à savoir, la mort, il l’aborde ici sous le prisme de la religion et non plus des meurtres et des tueurs. De même, le ton horrifique n’est pas une nouveauté dans la filmographie d’Hong-jin, mais elle revêt ici un caractère bien plus abouti, influencé par des classiques de l’épouvante tels que l’Exorciste et Rosemary’s Baby. On retrouve également un clin d’œil aux films zombies à travers la démarche et les effets de l’infection chez les victimes de l’épidémie.
Le tournage a duré 4 mois, entre août et décembre 2014, dans plusieurs dizaines de grandes villes coréennes, mais surtout à Goksung, le village où se déroule l’intrigue et qui donne son nom au titre original du film. L’atout incontestable du film est sa photographie, placée sous la direction d’un maître sud-coréen du genre, Hong Kyung-Pyo, qui a fait ses preuves dans Snowpiercer et Parasite. Un soin particulier a été apporté à la lumière, Na Hong-jin ayant fait le choix d’une lumière naturelle qui participe à créer une atmosphère réaliste et authentique, quitte à mettre plusieurs jours pour tourner une scène afin de correctement capter la lumière de l’aube. Une volonté de réalisme qui a également été d’usage pour le tournage de scènes sous une pluie naturelle.
La distribution, quasiment inconnue en Occident, est tout de même composé de l’acteur japonais Jun Kunimara, que l’on a pu voir dans le premier volet des aventures de Kill Bill. Ici, il joue le rôle d’un étranger vivant en ermite et suspecté d’être le responsable de l’épidémie. Sa prestation est probablement la plus réussie du film, en parvenant à maîtriser plusieurs registres et à nous émouvoir. La jeune Kim Hwan-hee, dans le rôle de la jeune fille possédée, est également très convaincante.
Sélectionné au Festival de Cannes 2016 dans la catégorie « Hors Compétition », ce qui d’ailleurs valu des regrets aux festivaliers, The Strangers ne reçoit néanmoins aucune récompense majeure. Une percée française difficile qui se confirme par un timide score de 60 000 entrées dans les salles. Toutefois, cette production sud-coréenne parvient à convaincre dans son pays d’origine, en cumulant près de 7 millions d’entrée au box-office au coréen.
Ne cachant pas son plaisir à entrainer le spectateur vers de fausses pistes, Na Hong-jin n’hésite pas à étoffer son thriller horrifique et oppressant par des personnages et des situations comiques, un contraste appréciable et réussi dans une ambiance aussi pesante. Le personnage principal, le policier Jong-goo, en est l’un des parfaits exemples. Peureux et maladroit, il est totalement dénué de charisme et semble rapidement complètement dépassé par les évènements, un protagoniste qui incarne à lui seul tout l’absurde de cette situation hors de contrôle. Au cœur de l’intrigue, la place de la religion est majeure, entre christianisme et chamanisme. Et justement, elle est peut-être trop présente car elle vient saper la volonté de réalisme apportée par l’esthétisme en basculant dans un surnaturel démoniaque. Enfin, une autre faiblesse du film réside dans son épilogue bâclé qui, même s’il apporte quelques réponses, laisse globalement sur sa faim. Dommage pour une réalisation aussi ambitieuse par son style…