The Strangers, ou les diables se cachent dans les détails
Cet été se lance la danse infernale des films coréens tant attendus, votre impatience fébrile sera récompensée avec pour ouvrir ce bal étourdissant le dernier film de NA Hong-jin : The Strangers (곡성), distribué en France par la Metropolitan Films. Un film n'ayant laissé personne indifférent tant en festival (Hors compétition de Cannes) qu'en sortie nationale en Corée du Sud, et ce, pour un film qui n'est pourtant ni une comédie, ni un film épique.
Qu'est ce qui fait de ce film un blockbuster inattendu par son impact & un choc pour les spectateurs coréens & festivaliers, et vous questionnera, encore, bien après votre projection ?
Un film transgenres
Pour faire suite à « The chaser » (2008) & « The murderer » (2010), « The Strangers » pourrait rimer avec les précédents opus nerveux de NA, s'enfonçant plus profondément dans le film noir... C'est bien plus qu'un troisième volet sur le genre de la part du réalisateur, il s'agit d'une réelle descente aux enfers, où les codes du polar sont réinvestis par NA, nous plongeant ainsi dans les méandres de la folie.
Il y a d'abord l'anti héros, Jong-gu (종구) employé de police dans la province de Gokseong. Prévisible dans sa maladresse, il n'en est pas pour autant moins touchant en père aimant d'une petite Hyo-jin (효진) craquante. Toutes ses faiblesses, tant en figure paternelle déficiente, que mari lubrique ne font que renforcer l'empathie à nous imaginer être comme lui, dépassé par l'ampleur de meurtres effroyables dans son village. Puis, cet homme japonais (외지인) vivant reclus dans la forêt que tous désignent comme le coupable idéal, on ne sait pas pourquoi il vit là, attisant alors les rumeurs les plus insensées à son sujet, enflées par les ragots entre voisins et le beau-frère de Jong-gu. A-t-il vraiment un lien avec tous ces meurtres ? En serait-il le commanditaire ? Tout pousse à croire que c'est le cas. Or, dans tout polar, il y a aussi une femme fatale & des témoins, voire les deux en même temps, comme cette jeune femme (무명) vêtue de blanc, dont on ne saura jamais le nom. Elle prétend avoir vu le Japonais se comporter bizarrement, non loin des lieux des meurtres et guide Jong-gu dans cette direction. Quel est son rôle dans cette histoire ? Jong-gu peut-il se fier à elle ?
Plus vous allez pénétrer dans l'intrigue tissée par NA, plus vous allez vouloir comme Jong-gu vous raccrocher à des éléments tangibles pour comprendre, et le réalisateur va vous y aider, vous mener sur plusieurs pistes, la rationalité vous fera croire à une première hypothèse, pour finalement perdre le contrôle & la raison. Jong-gu ne saura plus à quel saint se vouer, il fera donc appel à un diacre, puis un chaman. Ce dernier semblera alors l'ultime recours de Jong-gu, lorsque sa fille Hyo-jin sera frappée d'un mal inexpliqué, ayant contaminé les meurtriers. Le chaman Il-gwang (일광), est lui aussi, tout autant mystérieux. Est-il compétent pour guérir Hyo-jin, et par là même à résoudre l'enquête, ou est-ce un charlatan dépouillant ses clients par des cérémonies onéreuses, les guts (굿), afin de se payer une montre en or & un S.U.V. ?
Vous avez tous les ingrédients pour tenir un polar d'excellente facture, sans compter sur la pluie & cette atmosphère poisseuse inondant d'une palette grisâtre les meurtres sordides. Le déluge d'hémoglobine sur les murs des lieux des meurtres va provoquer un glissement de terrain vers l'horreur, ayant déjà bien immaculé « The chaser », comme un air familier de déjà-vu horrifique. Et pourtant... NA va vous orienter vers un tout autre territoire, celui du fantastique où le raisonnement logique sera malmené. A l'image des fleurs de muflier que vous verrez apparaître à plusieurs reprises dans le film, votre cerveau vous jouera des tours, ces fleurs ont-elles bien la forme de crânes humains ? Ou NA veut-il vous le suggérer, ajoutant à la confusion morbide ? Jong-gu est dans le même état d'esprit, au départ il pensait que des champignons avariés pouvaient être la cause d'un changement de comportement, incitant les malades, devenus fous, à décimer leurs proches.
Toutefois, lorsque l'on voit le voisin PARK Choon-bae (박춘배) attaquer la bande de Jong-gu & son beau frère Byeong-gyu en reconnaissance autour d'un puits, on assiste à une pure scène de lutte entre un infecté & des vivants, digne d'un film de zombies, dont on savoure la durée tellement elle paraît improbable, voire drôle.
Le réalisateur a volontairement mélangé ces genres & ces codes pour vous déstabiliser dans vos repères connus, et tenir ainsi votre attention jusqu'à la toute fin. Il vous attire dans ses filets, comme le pêcheur évoqué dans le film, où l'expression coréenne se faire hameçonner prend alors tout son sens.
Là réside tout le talent de mise en scène de NA, vous allez traquer le moindre indice, comme autant d'appâts d'un pêcheur, jouant avec les détails pour résoudre cette énigme. Installés dans votre fauteuil, vous vous placez en observateur pour rassembler toutes les pièces du puzzle, et deviner qui vous avez en face de vous réellement : la pataud Jong-gu, la femme intrigante, l'insolite Japonais, le chaman vénal... Chaque indice récolté sera comme autant de signes à déchiffrer avec votre perception, votre sensibilité, votre spiritualité... NA créé toutes les conditions pour cette pêche en eaux troubles : qu'allez vous remonter à la surface ? De l'effroi, de la désorientation, un peu plus de folie ?
C'est un savant équilibre que le réalisateur a du trouver dans sa narration, comme dans l'ambiance, vous serez inquiets, comme vous allez vous amuser. Des effets comiques égrènent le film, de façon détonante, par exemple cet enchaînement d'une scène chaotique d'hôpital avec un barbecue, c'est inattendu mais le public y est réceptif, et en rit, et ce, malgré l'insoutenable horreur du récit.
Ce chaud-froid est aussi une esthétique dans le film. Le réalisateur n'a pas voulu ancrer le film dans une province réelle pour donner une mauvaise image de la région, où les provinciaux seraient moins futés que les héros de ses polars urbains. Bien au contraire, NA & HONG Kyeong-pyo, son directeur photo, ont apporté un soin extrême & très attentif pour restituer toute la beauté des lieux, offrant aux spectateurs des paysages fabuleux de montagnes & de vallées. Tous les décors naturels ont nécessité plus de 121 jours de tournage, dont 97 à Hamyang, Cheolwon, Gurye, Suncheon, Jangseong, Haenam, Gochang, Jinan... Leur équipe a passé des journées à scruter le moment opportun pour tourner, et ainsi saisir la bonne lumière pour capter l'ambiance requise à la scène. Malgré la fugacité de ces plans, il y a un réel plaisir à les voir défiler & à être éblouis par ces merveilles éphémères.
Un film à la croisée du syncrétisme religieux coréen
The Strangers est donc un polar que NA a chiadé pour lui conférer tout le réalisme possible et le rendre ainsi crédible, on le délecte pour ce qu'il est et il pourrait très bien être universel. Il aurait lieu n'importe où, on y retrouverait toutes les ficelles & les profils d'une intrigue, dont n'importe quel spectateur serait chargé de la résolution.
Néanmoins, et c'est ce qui a fait sensation sur la croisette en Mai dernier, c'est que ce film ne ressemble à nul autre, et pourrait même être estampillé, pur produit culturel coréen !
Dans l'écheveau sombre de l'enquête de Jong-gu, s'entrelacent les liens entre les croyances coréennes : le chamanisme, le bouddhisme & le christianisme (en l'occurrence, le protestantisme). Cette strate supplémentaire venant s'immiscer dans cet objet filmique non identifié souligne la perméabilité des croyances & des spiritualités coréennes en son sein.
Revenons un instant sur les montagnes évoquées plus tôt. La péninsule coréenne est burinée par les montagnes, en son relief se nichent les croyances autochtones les plus ancrées dans l'imaginaire collectif coréen, avec notamment l'esprit de la montagne, le San-shin (산신), et des montagnes sacrées dans toute la péninsule.
Le chamanisme coréen, issu des migrations des contrées sibériennes prit naissance dans le chamanisme bouriate, et reste depuis, très vivace, malgré la perception ultra moderne que l'on a de la Corée du Sud. Le chaman est l'intermédiaire entre la terre, le ciel & les esprits. Il utilise tout ce qui peut le relier avec le haut : les montagnes, les efflorescences sur sa couronne, ses bras... Dans bon nombre de films comme dans The Strangers, vous remarquerez ses danses & ses incantations, où il projette ses bras comme des branches d'arbres tendues pour se connecter avec les esprits & le ciel. En Corée, la majorité des chamans sont des femmes, les mudangs ou manshins, les facultés se transmettent bien souvent de mère à fille. Mais il existe des chamans hommes, très minoritaires, que l'on appelle baksus. Le chaman Il-gwang dans The Strangers est un choix osé, car il renverse l'imagerie que l'on a habituellement des chamans coréens, un HWANG Jung-min ambigu, charismatique, viril dans son accoutrement style seventies. Tout en lui joue sur cette ambivalence entre un look suranné & des guts qu'on lui commande lorsque la raison n'a plus lieu d'être. Dans The strangers, le plan séquence de plusieurs minutes mettant en scène le gut pourrait être une manifestation folklorique du chamanisme, et que beaucoup d'entre nous pourraient assimiler à un exorcisme... C'est une vision occidentale déformant la fonction de cette cérémonie hypnotique, vous emportant dans sa transe. Le chaman Il-gwang ne cherche pas à déposséder le corps de la petite Hyo-jin, il souhaite en revanche piéger le Mal en procédant à la cérémonie dans la cour, par ses chants & sa danse salpuri, il veut jeter un sort sur l'esprit maléfique qui la tourmente, afin d'appâter Hyo-jin et ainsi la guérir. En le leurrant comme à la pêche, il espère attraper cet esprit dans ses filets. Cet aspect du film est bluffant, tant le chef décorateur LEE Hoo-gyoung a veillé à respecter ce type de cérémonie & à disposer tous les accessoires indispensables à la scène : pièces de viande, pots, chèvre, trident, coupelles, grelots, pieu, hâche-paille, branchages, offrandes, paravent, voeux écrits, porte-encens, cordes, sabre ... & le personnel du chaman : ses musiciens & ses assistants. Avant ce rituel, NA a filmé l’installation de cette cérémonie particulière, comment le chaman Il-gwang fait agencer la maison traditionnelle de Jong-gu pour accueillir son office extraordinaire & dispenser quelques conseils pour ne pas le souiller.
D'ordinaire, le chaman coréen est généralement appelé pour aider des familles dans leurs problèmes quotidiens & domestiques, ou souvent liés à leur métier & les grandes étapes de la vie humaine (mariage, naissance, décès). Cette autre facette, plus classique, n'est pas du tout incompatible avec l'avancée technologique de la Corée du Sud & la prolifération de smartphones dans les mains des Coréens. Elle répond même à des questions & des aspirations autant matérielles, que spirituelles de tout un chacun. Or, le chaman lorsqu'il effectue des guts, c'est pour dénouer des relations conflictuelles avec les ancêtres, les esprits errants, d'humains brutalement morts ou tourmentés. Le chaman sert alors de catalyseur entre ces esprits & les vivants, chaînon pouvant apaiser les rixes prenant la forme dans la vie terrestre de maladies, de calamités, de mauvaise chance. Le chaman ainsi rétablit le dialogue entre chaque membre de la famille avec ses ancêtres, c'est une sorte de continuité entre le passé & le présent, tel un fil d'ariane tout en étant une sorte de séance de thérapie familiale. Par ce gut époustouflant capté dans le film, le chaman Il-gwang va-t-il parvenir à ses fins ? La tension est à son paroxysme à ce moment critique de l'intrigue, et nos doigts en sont agrippés aux accoudoirs du siège...
Autrement dit, le chamanisme au fil des siècles a été souvent la panacée des Coréens, et lorsque le bouddhisme fit son incursion au IVè siècle de notre ère, il fut totalement intriqué, surtout dans les temples, avec cette nouvelle religion venue d'Inde, en passant par la Chine. La spiritualité coréenne a toujours été perméable & elle assimile à sa façon chaque nouvel arrivant.
Parce que le diable est double, et encore plus dans The Strangers, en miroir du chaman, il y a le diacre E-sam, neveu du coéquipier de Jong-gu, tentant lui aussi d'apporter ses explications & son aide à Jong-gu pour guérir du Mal le village complètement terrorisé.
Egalement, pour Jong-gu il n'est pas contradictoire de consulter une autre figure spirituelle pour demander conseil, et se tourner vers un diacre lui semble naturel. Les rumeurs allant bon train concernant un Mal personnifié, qu'il faut circonscrire, le christianisme pourrait peut-être alors vaincre ce Mal.
Retournons encore un peu en arrière... Les Coréens furent les seuls & premiers à demander que l'on importe le christianisme en leur pays. Au départ Gregorio Céspedes vers 1593 débarqua en Corée avec une flotte japonaise & ne jugea pas que les Coréens méritaient une évangélisation. Il aura fallu attendre deux siècles pour qu'il y ait les premières conversions, puis grâce au jésuite Grammont le premier baptême de LEE Seung-hun eut lieu en 1784. Un vent de pensées & d'idées nouvelles séduisit le peuple coréen, tels que des nouvelles connaissances, des livres étrangers, les sciences, le progrès, l'égalité entre les individus, se confrontant de ce fait au néo confucianisme, structure sociale ultra hiérarchisée importée de Chine quelques siècles plus tôt. Cela mit en péril l'autorité royale et le pouvoir en place, voyant dans le christianisme une menace contre la société confucéenne, il persécuta des prêtres au XIXè siècle (Jacques JU, premier prêtre à être entré en Corée est arrêté & exécuté en 1801). De même que le régent Daewongun, traumatisé par les traités inégaux avec les Occidentaux cherchant à tout prix à commercer avec la péninsule, voulut refuser l'accès aux étrangers, confortant la réputation de la Corée de royaume ermite. De nouveaux missionnaires, notamment des Français (Pierre Maubant, Jacques Chastan et Laurent Imbert), entrés clandestinement à partir de Chine pour venir prêcher la bonne parole en Corée, furent torturés, décapités, écartelés vers 1839. Un de leurs protégés André Kim Taegon fut le premier prêtre ordonné en Corée en 1845, mais également exécuté au bout d'un an. Ces faits divers à l'encontre des Chrétiens est une des sources de NA pour The Strangers, il y eut notamment des massacres de prêtres à Gokseong. Il faudra attendre près d'une génération plus tard pour que la Corée décrète la liberté religieuse, lors du traité franco-coréen, scellant l'amitié entre les deux pays. C'est vers 1884 qu'arriva le protestantisme des Etats-Unis. Ce nouveau courant spirituel remporta une grande adhésion auprès des Coréens, car les Protestants implantèrent des universités & des hôpitaux, symboles de modernisation pour le pays.
Plus qu'on ne pourrait le croire, The Strangers fait écho à cet élan de modernisation, certes violent, qui infusa dans la Corée, au travers de ses spiritualités & façonna par là son identité propre, de ferveur excessive. La quête d'argent effrénée & l'accélération de la modernisation du pays laissèrent beaucoup de Coréens sur le carreau. Chaque spiritualité contribue à sa façon à réconcilier ces dilemmes et, le chamanisme essaie de répondre à ces préoccupations en s'adaptant aux attentes & aux soucis de ses clients, comme on le voit dans The Strangers.
Un film sur les temporalités sociales & politiques coréennes
A quoi servent ces genres & cet accent spirituel dans un film de 2h36 ?
Nous y voyons plusieurs discours de la part de NA, et nous y assumons une totale interprétation personnelle, que nous aurons à cœur de débattre avec vous à l'issue de votre projection sur cet article.
Le réalisateur questionne la xénophobie, externe à la Corée et interne dans une approche plus psychologique du rejet de cet « autre ». Le titre français reprend cette notion et vous aiguille vers la possibilité de plusieurs étrangers dans l'histoire, sont-ils des ennemis intérieurs, extérieurs... ? La Corée, sujette à de multiples invasions pendant des siècles, puis d'occupations idéologiques, politiques, économiques, en vigueur encore, nourrit des relents de nationalisme protectionniste, et exacerbe la fibre xénophobe des citoyens les plus virulents voulant gagner leur autonomie, certes légitime. En n'apprenant pas des autres & en s'enfermant sur soi, la Corée pourrait alors chanceler vers une haine, prenant des formes diverses, et dans le film comme cette malédiction tuant les villageois à petits feux ou violemment. Beaucoup de Coréens peuvent encore en vouloir au Japon pour tout ce qui a été subi, et JUN Kunimura incarne par son personnage du Japonais, quasi mutique, toutes les peurs alimentées pendant ces siècles de traumatismes & focalise ainsi tous les fantasmes et les rumeurs le diabolisant.
En parallèle le rôle de la petite Hyo-jin, interprété par KIM Hwan-hee est plus déterminant qu'on ne pourrait le deviner. Cette petite fille semble être ce qu'est la Corée actuelle, bien ancrée dans la modernité, à l'esprit aiguisé, mais malade. Cette maladie contamine, infecte. Par la peur transformée en rejet, puis en haine, pourrissant tout sur son passage, jusqu'à cette enfant. Cette dernière sert de maillon entre un futur incertain, à l'horizon menaçant pour son pays, et la génération perdue de son père, totalement inadapté aux mutations féroces de la société coréenne. KWAK Do-won incarne tous ces parents, ayant appris à obéir à l'autorité pour développer la Corée, la mettant sur le devant de la scène internationale pour tous ses succès économiques & technologiques. Au détriment d'une certaine éthique, d'un raisonnement humaniste envers les autres. Cela ne lui enlève pas cette affection empotée pour sa fille, qu'il tentera de sauver par tous les moyens, mais le film souligne à quel point il s'enlise dans ses jugements, hésite et essaie de flotter comme il peut dans le torrent de ses incertitudes, pour ne pas couler dans ce sentiment d'échec entre la résolution des meurtres & le sauvetage de sa fille.
CHEON Woo-hee donnant un visage à la femme énigmatique & intrigante, dans toutes les acceptions du terme, fait le lien entre le Japonais & le chaman Il-gwang. Elle renvoie à plusieurs hypothèses la concernant, qui jusqu'au dernier plan du film vous laissera décontenancés. S'agit-il vraiment d'un affrontement, d'un duel ? Ou bien un miroir dans lequel les Coréens doivent se regarder, faire face à leur passé ? Notez à un moment du film un détail, quand vous allez recheminer tout le film dans votre tête à la fin...
Que porte CHEON lorsqu'elle lance des petits cailloux à Jong-gu ? Une veste. Une veste militaire. La veste de PARK Choon-bae, que l'on a mentionné plus haut en infecté comique. Bien que le patronyme PARK soit l'un des plus répandus en Corée, on y voit un fantôme surgissant du passé, et pas n'importe lequel. Le père, ancien dictateur, de l'actuelle présidente de Corée du Sud. Venant contaminer la populace.
Le passé n'est jamais loin, il vous guette et le chaman Il-gwang est là pour pêcher ce fantôme.
Au delà des traumatismes infligés par les nations étrangères, l'un des plus corrosifs fut ce que la Corée s'est imposée à elle-même. La dictature, la censure, la privation de libertés, les priorisations économiques de grands groupes industriels, aux dépens du bien-être de la société, l'aliénant totalement car cette dernière acceptant ce bond en avant comme une aubaine, une occasion de vivre mieux, en enrichissant finalement seulement quelques uns.
Ce film est une complainte pour le peuple coréen, d'où son titre original Gokseong (곡성) , traduit en version internationale The Wailing, et ne se référant pas uniquement à la province où il se passe.
Un électrochoc, pour faire revenir de la contrée des léthargiques les Coréens pouvant encore faire bouger les choses dans leur société. Et NA vous propose plusieurs solutions par le prisme du diacre, du chaman, du Japonais, de la femme... En vous reflétant la part des ténèbres & vous faire réfléchir là dessus, on ne peut que trouver la lumière, l'un ne va pas sans l'autre, et NA y prend un malin plaisir pour que vous en ressortiez plein de questions.
Il est certain qu'avec ce troisième film, le réalisateur a atteint une sophistication du propos jamais égalée que nous lui prêtons, et que c'est son film le plus mâture & le plus abouti, sans conteste. L'écriture du scénario lui avait pris deux ans & huit mois, nous offrant ainsi un film dense & mille-feuilles que nous nous sommes pris à déguster jusqu'à la dernière miette ! Vous allez en outre savourer le jeu de ses acteurs malmenés & magnifiés dans leur rôle, leur offrant l’opportunité de performances épatantes !
Nous souhaitons que vous apprécierez autant que nous ce film hors normes, qu'il va susciter entre vous discussions & confrontations, n'hésitez pas à en parler autour de vous & à partager vos propres avis & analyses ci dessous !
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