Cinéaste révélé avec "The Chaser", thriller brutal asséné comme un coup de marteau au spectateur, Na Hong-Jin revient cette année sur le devant de la scène avec "The Strangers". Réalisateur peu prolifique mais décidé à causer un choc à chacun de ses films, il quitte ici la violence urbaine pour nous plonger dans le petit village de Goksung, en proie à une étrange vague de meurtres. Des meurtres commis par des proches de victimes, couverts de pustules et complètement zombifiés, finissant par mourir à leur tour, comme possédés. C'est dans ce contexte qu'enquête Jong-gu, policier naïf et empoté. Celui-ci, écoutant les nombreuses rumeurs du village, porte ses soupçons sur l'étranger arrivé dans le coin il y a peu, un japonais habitant un peu plus haut dans la montagne. Alors que les morts se multiplient, Jong-gu voit alors sa fille tomber étrangement malade... Thriller mystique, "The Strangers" repose sur un mélange des genres assez savoureux. Comme la plupart des films venus de la Corée du Sud, l'ensemble est imprévisible, traversé par des traces d'humour et des ruptures de ton le long de son récit. Mais contrairement aux précédents films de son réalisateur, ici le surnaturel fait son apparition. Entre des personnes zombifiées, une séance d'exorcisme chamanique et la présence d'un Diable assez inquiétant, "The Strangers" installe une atmosphère pesante, à la limite de l'horrifique et à la lisière du gore. Assistant impuissant aux événements en chaîne se déroulant dans le village, Jong-gu personnifie le spectateur qui devra comprendre par lui-même le pourquoi du comment sans jamais en avoir toutes les clés. Véritable manipulateur prenant un malin plaisir à installer le spectateur dans son inconfort, Na Hong-Jin nous offre un héros empoté et complètement dépassé par les événements qui fera ce qu'il peut pour sauver sa fille ainsi qu'une flopée de seconds rôles qui viendront brouiller les pistes. Malgré ses idées à la pelle, ses nombreuses fulgurances et son atmosphère pesante, "The Strangers" est tout de même parsemé de défauts. Boursouflé par des pistes scénaristiques un peu trop nombreuses et un dénouement déroutant, le film traîne volontairement en longueur, ses 2h36 étant certainement de trop. Comme si Na Hong-Jin avait trop d'idées qu'il voulait à tout prix caser dans le même film, lui faisant perdre une partie de son efficacité. Mais qu'on ne s'y trompe pas, au rayon des films d'une noirceur absolue au scénario toujours surprenant, personne ne fait mieux que les coréens. En témoigne ce film, à la mise en scène particulièrement soignée, sachant ménager ses effets dès qu'il le faut et nous embarquant pour une virée dans un grand-huit infernal.