Après avoir sérieusement dépoussiéré le mythe sur grand écran avec le premier opus (certes imparfait mais, dans l’ensemble, plutôt enthousiasmant), le producteur Michael Bay offre une suite à ces Tortues Ninjas newlook (enfin à ces "Ninja Turtles" pour reprendre le titre "français" un peu bébête). On retrouve, donc, le travail d’individualisation de chacune des quatre tortues (tant sur le plan vestimentaire que comportemental), des effets spéciaux de qualité et une Megan Fox toujours aussi discutable en April O’Neil… mais, surtout, cette suite s’annonçait très prometteuse pour les fans avec, outre le retour de Shredder, les arrivées de Casey Jones, Baxter Stockman (qui s'était offert une apparition furtive précédemment), Beebop, Rocksteady, Krang et du Technodrome ! Les nostalgiques du dessin animé culte des années 80 pouvaient, donc, avoir la bave aux lèvres… et en ont été pour les frais au vu du traitement infligé aux héros de leur jeunesse. Car, "Ninja Turtle 2" est un exemple typique de suite bâclée où les producteurs ont préféré jouer la carte de la surenchère sans âme (quitte à risquer l’overdose par moment) au lieu d’essayer de creuser le sillon initié dans le premier opus. Le scénario s’avère, ainsi, être d’une affligeante pauvreté et se contente de se caler sur l’intrigue de son prédécesseur
(voir, entre autres, le final sur les toits de New-York !)
en cumulant les énormes ficelles scénaristiques et en flinguant l’amorce de réflexion sur les thèmes "l’union fait la force" et autre "sera-t-on un jour accepté par les Humains ?" (certes, pas très originaux mais qui auraient au moins densifié le récit) au profit d’une orgie de personnages qui ne sont jamais traités correctement ! Si ce problème n’est pas forcément très grave pour Beebop et Rocksteady (qui, en tant qu’hommes de main bas du front, n’ont pas besoin d’être particulièrement développés), il n’en va pas de même concernant Baxter Stockman (privé de sa forme monstrueuse et, surtout, d’une explication sur ses motivations… ce qui n’aide pas quand on n’est campé par le lourdingue Tyler Perry), Krang (qui sort d’on ne sait où et se voit représenter comme un gros chewing-gum aussi grossier que primaire) et Casey Jones (campé par Stephen Amell) qui n’a pas grand intérêt et ne chausse son légendaire masque que lors d’une seule petite scène (on est loin du justicier clandestin de notre enfance). Mais le plus à plaindre reste encore Shredder, sur qui les scénaristes se sont visiblement déchaînés. Tout d’abord, il se voit très fortement handicapé par l’invraisemblable recast du personnage, qui était un géant chauve à la gueule ravagé dans le premier opus (menaçant Tohoru Masamune, dont on ne voyait presque jamais le visage) à un asiatique moyen, chevelu et barbu, à peu près aussi effrayant qu’un part de pizza tiède (Brian Tee, sans intérêt). Et, pour peu qu’on accepte ce changement (qui fait perdre énormément d’aura au personnage), le traitement réservé à ce pauvre Shredder est tout simplement indigne, puisqu’il
se livre lui-même aux basses besognes (à commencer par le recrutement de main d’œuvre !), ne fait pas peur à grand-monde à New-York et se voit privé d’une scène finale digne de ce nom… qui plus est, juste après avoir enfin récupéré un costume crédible (qui fait oublier la navrante armure géante de l‘opus précédent)
. Le traitement des personnages n’est, donc, définitivement pas le souci principal de cette suite, qui a préféré tout axer sur le spectaculaire à tout prix… quitte à faire risquer la crise d’épilepsie aux spectateurs ! On ne peut, d’ailleurs, pas dire que les scènes d’action brillent par leur lisibilité (problème récurrent des derniers blockbuster hollywoodiens), ou par leur originalité. La surenchère visuelle entame forcément la crédibilité mais, également, le côté d’immersion particulièrement fun qu’on pouvait ressentir lors de la scène de la descente enneigée du premier opus. La mise en scène va, ainsi, de pair avec l’écriture de ce "Ninja Turtle 2" avec laquelle il partage l’artificialité, la paresse et le manque de maitrise. Ces critiques étant formulées, il ne reste plus qu’à prendre cette suite pour ce qu’elle est (et non pour ce qu’elle aurait dû être), à savoir un divertissement explosif qui ravira les plus jeunes. On sent bien que le film compte surtout sur ses acquis avec le duo "décomposé" entre April O’Neil (Megan Fox) et Vernon Fenwick (Will Arnett) dans le rôle de la bombe et du comique… et, bien sûr, les quatre frangins tortues qui restent l’attraction principale du film. On retrouve bien leur caractéristiques respectives (appuyées par leur look) et le film a le mérite de creuser un peu les tensions existant entre eux. On a droit, du reste, à un certain nombre de scènes qui font la blague
(l’intervention en camion lors de l’évasion de Shredder, le "pas de nom de famille ?" final…)
, à un BO plutôt sympa et à des clins d’œil qui plairont aux fans
(le cameo de Kevin Eastmann, co-créateur du mythe, la musique du générique final…)
. Et puis, on n’a pas le temps de s’ennuyer, ce qui fait définitivement de "Ninja Turtle 2" un blockbuster décérébré qui se regarde sans trop de difficulté… mais qui s’oublie aussitôt, ce qui, au vu des personnages présents, est forcément une déception. Dommage que Michael Bay n’ait pas davantage de respect pour le matériau de base, il aurait pu produire un petit bijou de nostalgie. Au lieu de ça, il a mixé un mythe d’enfance pour le resservir à la nouvelle génération qui se voit, décidément, bien sous-estimée… Les deux premiers films des années 90 étaient décidément de vraies réussites !