Dans l'océan de la production cinématographique française, "Au revoir là-haut" de Albert Dupontel se distingue comme une perle rare, oscillant avec brio entre drame et comédie, entre la terreur des tranchées et la fantaisie post-guerre. Adapté du roman éponyme de Pierre Lemaitre, couronné du prix Goncourt, le film nous plonge dans l'après-Première Guerre mondiale à travers les yeux d'Albert Maillard et d'Édouard Péricourt, deux hommes que le destin a réuni dans les circonstances les plus sombres.
Dupontel, en tant que réalisateur et acteur, livre une performance saisissante, insufflant à son personnage une humanité et une vulnérabilité touchantes. À ses côtés, Nahuel Pérez Biscayart, sous les traits d'Édouard, offre une interprétation remarquable, naviguant avec aisance entre désespoir et excentricité. Leur alchimie à l'écran confère au film une dimension émotionnelle profonde, illustrant la complexité des relations forgées dans l'adversité.
La direction artistique et les décors, signés Pierre Quefféléan, ainsi que les costumes de Mimi Lempicka, sont d'une richesse époustouflante, recréant avec minutie et éclat l'ambiance de l'époque. La photographie de Vincent Mathias, avec ses teintes parfois surréalistes, ajoute une couche supplémentaire de profondeur à l'esthétique générale, tandis que la musique de Christophe Julien, ponctuée de morceaux emblématiques, enveloppe le tout d'une atmosphère envoûtante.
Cependant, malgré ces nombreux atouts, le film n'est pas exempt de faiblesses. Le rythme inégal et certaines longueurs dans le scénario peuvent parfois nuire à l'immersion du spectateur, tandis que le mélange des genres, bien qu'audacieux, ne trouve pas toujours son équilibre, oscillant par moments entre trop de gravité et de légèreté. De plus, si l'escroquerie centrale offre une critique cinglante de la société d'après-guerre, elle peine parfois à captiver totalement, laissant une impression d'inachevé dans le développement de certains arcs narratifs.
"Au revoir là-haut" est donc un film aux multiples facettes, mêlant habilement la douleur et la poésie, la dérision et le drame, dans un tableau vibrant de l'après-guerre. Si certaines de ses ambitions ne sont pas pleinement réalisées, il demeure une œuvre d'une grande beauté visuelle et émotionnelle, témoignant des séquelles indélébiles de la guerre et de la quête de rédemption de ses personnages. Un film à voir, à réfléchir, et à apprécier pour la richesse de son univers et la complexité de ses émotions.