Les acteurs qui sont passé derrières la caméra pour s’exprimer ne se comptent plus sur le bout des doigts, si le phénomène ne remonte pas à hier, on en compte un bon nombre qui ont au moins essayé une fois de raconter une histoire après avoir joué un rôle devant la pellicule : Clint Eastwood, Angelina Jolie, Kevin Costner, Ewan McGregor, Ben Affleck, Robert Redford ou encore Mel Gibson pour des résultats aussi variés qu’il y a de chiffre sur une roulette de casino.
Albert Dupontel est l’un d’eux, et si son bilan en tant qu’auteur/réalisateur est légèrement partagé, ses films sont déjà bien plus construits que l’ensemble des navets de comédie française qui sortent sur une année. Il a le mérite de prendre son temps entre 2 films et d’avoir une bonne maîtrise de l’absurde pour faire rire, même si il peut aussi bien tomber dans un excès d’absurdité maladroit et un brin écœurant (Enfermés dehors) qu’être attachant (9 mois Ferme) ou amusant dans son propre délire (Le Créateur). Et le roman de Pierre Lemaitre semble bien se prêter au cinéma de Dupontel au vu de l’absurdité du synopsis et de la situation d’Albert et d’Edouard.
Sauf que dans le cas présent, à l’inverse d’un 9 mois Ferme, l’absurde ici n’est pas mis au service de l’humour, en tout cas presque pas. L’utilisation dont fait Albert Dupontel de l’absurde est beaucoup plus réaliste et principalement employé à la reconstitution de la France d’après-guerre et à au retour à la vie quotidienne des soldats meurtri : Albert Maillard, aide comptable contraint d’effectuer des petits boulots misérables pour gagner sa croûte ainsi qu’à faire les poches des vétérans pour soulager son compagnon de guerre, et Edouard Péricourt justement la gueule cassée réduit à l’état de Junkie du début de 20ème siècle. Deux soldats pour lesquels la France n'éprouvent pourtant aucun respect alors qu'ils ont donné leurs vie à la patrie pendant 4 ans, et dont les morts sont pas forcément si respectés.
On pourrait résumer ce film à ses 50 premières minutes qui sont très sobre et même bien plus émotionnel que l’ensemble des films du bonhomme. Pas sans qu’il n’y ait des scènes maladroitement imbriqué bien que très belle en soit (la première rencontre entre Louise et Edouard), mais l’aspect burlesque qu’on reconnait à ses films sont extrêmement réduit. Hormis lors des quelques passages avec le lieutenant Aulnay-Pradelle et à la fin de cette première moitié, le film prend son temps pour faire ressentir le trouble interne des anciens soldats à la fois d’un point de vue professionnel mais aussi intime lorsque l’on voit Albert croiser son ex femme durant un de ses petits emplois et que celle-ci lui rend son alliance.
Par ailleurs Albert Dupontel s’est beaucoup bonifié en tant qu’interprète de ses propres films (surtout ici ou il se montre profondément touchant), il s’est aussi amélioré un peu plus à chaque film en tant que metteur en scène. Poussant un peu plus ses travaux sur 9 mois Ferme en terme de cadrage, et cumulant ici certains plans-séquences maîtrisés et très adroit en plus de la reconstitution de l’après première guerre mondiale et de la photo plutôt assombri dés l’ouverture en fondu d’image. Mais c’est surtout Nahuel Pérez Biscayart qui m’a beaucoup ému et qui parvient à faire passer beaucoup d’émotion en dépit des différents masques qu’il cumule, aussi bien du rire par-ci que du chagrin et de la colère par-là.
Sans oublier qu’on pourra reconnaître à Au revoir là-haut, durant sa deuxième moitié, de conserver un contrôle de ton dés lors qu’Albert Dupontel instaure certaines touches d’humour à la fois absurde mais pourtant toujours cohérent dans leur contexte, même lors de l’immense escroquerie orchestré par Edouard. Le tout aidé par un bon travail musical de Christophe Julien, de Laurent Laffite (très bien dirigé ici) qui est très souvent mis à contribution pour les quelques passages destiné à faire rire ou sourire. Et le tout soutenu des rôles secondaires également très bien dirigé et bien écrit, notamment Niels Arestrup dans le rôle du père d’Edouard, Emilie Duquenne en tant que sœur d’Edouard ou encore la jeune Héloïse Balster également bien dirigée (et un petit rôle pour Kyan Khojandi de Bref et la voix française de Baymax dans Les Nouveaux Héros qui aura nous offrira un court mais sympathique moment de rire dans le dernier tiers).
Au revoir là-haut, en plus d’être un excellent film français (vu l’avalanche de comédie de merde dont on nous gâte chaque année, ce n’est pas de refus) marque aussi un grand pas pour Albert Dupontel vers la maturité. Au fil de ses films il a gagné en sens du dosage avec son maniement de l’absurdité et du burlesque, et semble démontrer une vraie maîtrise pour ce qui est de varier le ton de ses récits. Bref, faut le voir pour encourager ce type de projet sincère à voir le jour, personnellement j’en reprendrais bien une seconde dose.