“Les histoires d’amour et de fantômes se vendent, les oeuvres sur les idéals sont destinées à perdurer�. Parole de William Godwin, père de Mary
Shelley.
Celle de Frankenstein a-t-elle jamais été une histoire d’horreur comme nous l’entendons, nous, aujourd’hui? Un film sur la vie de Mary Shelley peut-il rapprocher du sens originel de son oeuvre, sinon en passant par son histoire d’amour avec son compagnon?
Par des reconstitutions gothiques plutôt réussies et des costumes soignés dans les moindres détails, le film d’Haifaa Al Mansour va jusqu’au bout de son intention. À côté d’une Mary Shelley (Elle Fanning) à la beauté fine et plutôt fragile, on aperçoit un Percy Shelley (Douglas Booth) adolescentiel et décidément au-dessous de la “substantialité� qu’évoque justement sa future épouse. Mais cela n’est que le début. Délaissées les exigences commerciales, les dialogues bien tournés, tout particulièrement les répliques de Mary Shelley, permettent d’évoquer positivement l’esprit de l’époque, respecté dans ses rythmes et jusque dans son ironie.
Dommage que le film ne se débarrasse pas immédiatement du must commercial, désormais débordant, de la très belle protagoniste et du co-protagoniste agrémenté d’un couvre-chef voltigeant dont seuls les dandys savent se parer, mais il a du moins le mérite d’insérer dans sa distribution
des visages aux traits typiquement anglais.
Nombreuses, et souvent couronnées de succès, les tentatives de rapprocher les lecteurs ou les spectateurs de personnalités historiques marquantes par l’étude individualiste du personnage et l’évocation de leur biographie. Moins assurée parmi ces tentatives la restitution du rapport du personnage même avec son époque et avec les idéals qu’il représente, ceux en vertu desquels il a acquis sa notoriété. Donc, ce qui marche dans
ce film d’Al Mansour ce sont les feux de la rampe qu’il offre à Mary Shelley, moins connue du grand public que sa créature, Frankenstein le monstre.
Dans cette pellicule, comme cela fut le cas dans la vie réelle, le personnage plus vrai et plus vif, bien que rendu dans le gel rigide de sa sombreur, c’est justement celui de Mary Shelley.
Une femme si acérée dans sa douleur à l’écran, cela fait plaisir, de temps en temps. Elle rappelle aux autres femmes, qui lui ressemblent, ce qu’elles
pourraient être … et apprend à toutes les autres en quoi elles sont défaillantes.
Un sentiment romantique enflammé parvient à percer du drame adolescentiel redouté durant le quart d’heure initial et à prendre forme dans la difficile restitution d’un personnage passionné jusqu’à la limite de la violence, fidèle en tout et pour tout au courant romantico-gothique qu’il
représente, parvenant à exprimer quelques-uns au moins des aspects du roman du Docteur Frankenstein: le thème de l’abandon, la duplicité du
désir et de la réalité, l’abysse séparant la beauté d’un rêve et une douleur toute réelle dans laquelle se consumer.
Ph: lecinetheatre.fr